Le souverain bien a chez Kant un rôle non limité à celui, généralement reconnu et discuté, qu’il occupe dans la Dialectique de la deuxième Critique. Le parcours de l’œuvre publiée montre qu’il endosse et assume, dès son émergence dans la première Critique, une fonction critique, opératoire dans tout le développement ultérieur de la philosophie kantienne : elle en structure le programme même. Plus précisément, le souverain bien intervient à chaque moment de ce programme, en particulier quand la raison traite de l’espérance de l’homme et de son amélioration morale du point de vue du droit et de la vertu. Espérance et amélioration morale de l’homme s’imposent, en effet pour Kant, comme tâches historiques d’une raison qui, par l’union de ses usages spéculatif et pratique, embrasse la totalité de la vie humaine et travaille à imprimer la marque d’un sens dans le monde. Impliqué dans ces deux tâches avec toute sa fonction critique, le souverain bien se comprend comme ce qu’il est permis à l’homme d’espérer : la raison répondant, par l’histoire, à l’espérance humaine; l’histoire prenant forme de récit où se (re)présente la réalisation effective du souverain bien, en un monde alors sensé.
Docteur en philosophie de l’Université Paris X – Nanterre, Laurent Gallois enseigne la philosophie au Centre Sèvres – Facultés Jésuites de Paris et est rédacteur aux Archives de Philosophie