Théorie quantique et sciences humaines est un recueil de huit articles réalisé sous la direction de Michel Bitbol. D’emblée, signalons qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage traitant des conséquences philosophiques de certains résultats de la physique quantique comme par exemple les extrapolations d’ordre psychologique de Wigner à propos de la réduction du paquet d’ondes1, mais l’intention de ce livre est plutôt de suggérer une identité de méthode entre la mécanique quantique et les sciences humaines et plus particulièrement les théories de la décision. La démarche d’ensemble est bien résumée par Danilov et Lambert-Mogiliansky : « L’existence de nombreuses « analogies intrigantes » entre les phénomènes de MQ et les phénomènes psychologiques et comportementaux suggèrent [sic] que la théorie non-classique de la mesure peut se révéler utile pour la description et la modélisation du comportement humain »2. A première vue humble et avant tout heuristique, le livre ne laisse cependant pas de poser plusieurs questions. La pertinence du recours au formalisme quantique d’abord : est-il vraiment besoin de convoquer celui-ci dès lors que deux actions ne commutent pas ? De fait, tout au long de l’ouvrage, les auteurs exposent des analogies entre tel ou tel domaine des sciences humaines et telle caractéristique de la physique quantique mais la légitimation de ces analogies fait défaut. Par exemple, le recours aux espaces de Hilbert apparaît naturel en physique quantique puisque ceux-ci ont été élaborés afin de construire une théorie générale des vibrations et que la mécanique quantique a pu elle-même être interprétée comme une théorie des vibrations (la mécanique ondulatoire de De Broglie). Mais pour quelle raison ces espaces seraient-ils pertinents pour une théorie de la décision ? C’est ce genre de questions que l’ouvrage laisse cruellement en suspens.
De ce point de vue, le livre est pleinement conforme à la mécanique quantique qui se veut avant tout opératoire. On peut même penser que c’est de propos délibéré que la pertinence du paradigme quantique n’est pas davantage explicitée. La véritable leçon de l’ouvrage serait alors qu’en sciences humaines comme en sciences physiques, il ne faut plus chercher autre chose que la stricte efficacité3. Si tel est le cas, il faut bien avouer que c’est assez déprimant. Que l’on souhaite comprendre ou expliquer, l’esprit n’y trouve guère son compte. Cette démarche avait été critiquée en son temps dans des termes très durs par le mathématicien français René Thom. Celui ci affirmait que « la mécanique quantique est incontestablement le scandale intellectuel du siècle ! (…) La science a renoncé à l’intelligibilité du monde. » 4 Avant d’ajouter : « Si l’on réduit la science à n’être qu’un ensemble de recettes qui marchent, on n’est pas intellectuellement dans une situation supérieure à celle du rat qui sait que lorsqu’il appuie sur un levier, la nourriture va tomber dans son écuelle. La théorie pragmatiste de la science nous ramène à la situation du rat en cage. »5
On peut d’ailleurs s’interroger sur cette tendance à faire du modèle l’alpha et l’oméga de la science. Traditionnellement, le modèle renvoie plutôt à un troisième temps de la théorie après le squelette logique et les règles de correspondance entre le calcul abstrait et le contenu empirique ; il sert à aider à la représentation mais n’est pas directement en rapport avec les éléments concrets de l’observation ou de l’expérience.6
En revanche, un point éminemment appréciable est que chacun des auteurs entreprend de poser des limites à ses analogies. On a trop vu d’ouvrages prétendant généraliser les résultats de la physique quantique et les étendre sans précaution à des domaines tout à fait différents. Si les rapprochements peuvent être profitables, on ne gagne rien à la confusion. La controverse autour de l’affaire Sokal a au moins eu le mérite de rappeler la prudence requise pour transposer des résultats. Car c’est une démarche qui n’est pas sans danger. Dans l’optique partisane qui était la sienne, Hayek en avait pointé un du doigt : il définissait le scientisme comme l’« ambition d’imiter la Science dans ses méthodes plus que dans son esprit. » 7.
A : Les articles
L’introduction de Bitbol est remarquable de clarté autant dans la présentation des articles que dans celle de l’intention générale du livre placée sous la figure tutélaire de Bohr. A l’opposé du réductionnisme qui postule une identité de contenu entre physique et sciences humaines, il s’agit davantage de promouvoir une identité de méthode. Les différences qui existaient entre la physique classique et les sciences humaines ne valent plus avec la physique quantique. Bitbol insiste particulièrement sur les influences qu’ont pu avoir les sciences humaines sur les idées de Bohr. L’autre figure à laquelle se réfère essentiellement Bitbol est Heisenberg. On ne sera donc pas surpris de ce que l’ouvrage s’inscrive dans le droit fil de la pensée de l’école de Copenhague ni de ce que Bitbol insiste particulièrement sur le fait que la physique quantique consisterait en une remise en question de l’objectivité.
Dans un premier article consacré à un paradoxe de la théorie de la décision, Jean-Pierre Dupuy envisage que certaines similitudes formelles entre la théorie quantique et des « problèmes qui relèvent de la théorie du choix rationnel, de la philosophie morale et politique, de la théologie et de la métaphysique (…) ne so(ie)nt pas pures coïncidences. » 8 Il établit une analogie entre la superposition des états (le fameux chat de Schrödinger mort et vivant) et les représentations des événements qui se superposent aux événements réels c’est-à-dire les prophéties auto-réalisatrices ou au contraire ce qu’il conviendrait d’appeler des prophéties auto-réfutatrices, des catastrophes évitées seulement par la représentation de leur survenue et qui sont illustrées par l’exemple de la dissuasion nucléaire. Bref, on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Pour un catastrophisme éclairé. La thématique est des plus intéressantes et les enjeux sont d’importance. On reste plus dubitatifs devant certains arguments. Et d’abord devant la pertinence même de l’analogie évoquée ci-dessus : ainsi les états qui se superposent dans une fonction d’onde sont homogènes ; ici il y a hétérogénéité de nature entre des événements et la représentation desdits événements. Par ailleurs, Dupuy ne manque pas de nous signaler des conséquences métaphysiques importantes de sa réflexion. Ainsi prétend-il qu’il faille « se débarrasser (…) du principe de réalité du passé »9 pour maintenir le libre arbitre dans la théorie de la décision. Mais ceci afin qu’il n’y ait pas de contradiction avec l’existence d’un être essentiellement prescient. On a quelque peu l’impression d’avoir affaire à des chicaneries de théologien ; il n’y a de paradoxe qu’à la condition de supposer l’existence d’un Dieu prescient et providentiel. Que vaut une telle solution pour les pauvres humains que nous sommes ? Un autre élément qui pose problème est que Dupuy parle du temps du projet comme du temps qui se met en boucle : « le prédicteur, sachant que sa prédiction va produire des effets causaux dans le monde, se doit d’en tenir compte s’il veut que l’avenir confirme ce qu’il a prévu. »10 Sans doute, mais on peut néanmoins s’étonner : en quoi cela implique-t-il que l’avenir détermine le passé ? Il détermine certes le présent ainsi que le faisait déjà remarquer Auguste Comte sans avoir besoin de passer par une analogie avec la physique quantique. L’ordre philosophique est différent de l’ordre chronologique ; la science précède la prévoyance qui précède l’action. Par conséquent, le véritable ordre temporel est le suivant : passé (le connu), futur (le prévu), présent (l’action). En outre, Dupuy voit dans ce bouclage une analogie avec la physique quantique. Mais à quel élément de la physique quantique fait-il allusion ? A l’effet tunnel ? Celui-ci fait l’objet de multiples interprétations dont les plus osées sont envisagées avec beaucoup de circonspection par la majorité des physiciens. Ici l’argumentaire est beaucoup trop allusif. De même, quel lien Dupuy établit-il entre la physique quantique et le libre arbitre (lien suggéré par le titre de l’article) ? On rappellera que pour Bohr lui-même le libre arbitre n’est pas à chercher dans l’indétermination quantique.11 Enfin, et c’est sans doute le plus regrettable, les promesses du début de l’article ne sont pas tenues : les éventuels liens entre ces paradoxes de la théorie de la décision et la physique quantique sont expédiés en quelques mots sibyllins dans une note de bas de page.
Plus allusif encore est l’article de Elie Ayache intitulé « L’événement du marché, ou la nécessité de l’ascension métaphorique ». Dans cet article consacré à l’évaluation des produits dérivés, l’auteur ambitionne d’élaborer une « philosophie du marché ». Une analogie très succincte porte sur la superposition, l’usage des probabilités et la complémentarité. L’auteur voit dans les deux domaines une même remise en question de la causalité traditionnelle pour une causalité « méta-contextuelle » sans qu’on comprenne bien pourquoi. Depuis longtemps les mathématiques financières entretiennent un mystérieux et trouble rapport avec les mathématiques qui sous-tendent la physique quantique. Il aurait donc été particulièrement intéressant d’avoir une réflexion sur le sujet mais là encore, comme dans l’article de Dupuy, les rapports avec la physique quantique ne sont pas explicités. Tout au long des quarante-cinq pages de l’article, on n’a de cesse de se demander : « et la quantique dans tout ça ? » Mais l’auteur reconnaît qu’il ambitionne autre chose que « rapporter, dans une science humaine a priori éloignée de la théorie quantique, un phénomène étrange pouvant tirer profit du formalisme prédictif de cette dernière. »12
Dans un troisième article à prétention plus épistémologique, Michel Bitbol développe l’idée selon laquelle la physique quantique marque les « limites de la distanciation objectivante des phénomènes spatio-temporels. »13 Cet article qui est probablement celui qui présente le plus nettement le caractère essentiellement heuristique de l’analogie quantique commence par résumer de manière très concise (et probablement à peu près incompréhensible pour qui ne s’y connaît pas déjà un peu) différentes limites de la connaissance soulevées par la physique quantique avant d’affirmer que les mêmes limites apparaissent en sciences humaines. « Cette façon de procéder offre a priori un modèle pour toutes les configurations épistémiques où la distanciation objectivante est incomplète. (…) Or, la (…) configuration (…) d’une connaissance intentionnellement élargie à sa dimension participative ou herméneutique, est typique des sciences humaines. »14 On a donc l’affirmation d’une coïncidence mais pas son explication. Dès lors, le but de l’article sera de « de montrer : (1) que les deux caractéristiques centrales des théories proto-quantiques, à savoir l’incompatibilité des observables et l’intrication, s’appliquent parfaitement à certains champs sélectionnés des sciences humaines ; et (2) que réaliser cela permet d’aborder certains problèmes philosophiques connectés aux sciences humaines avec un regard neuf. »15 Bitbol va donc commencer par établir une liste d’analogies entre des phénomènes quantiques et certains relevant des sciences humaines. Curieusement cet article s’appuie sur les résultats de quatre des articles ultérieurs. Il est donc intéressant d’y revenir à la fin de la lecture du livre. Pour conclure, il va donner un exemple de l’efficacité de ses analogies qui lui permettent d’apporter une réponse nuancée au débat entre réalisme et constructivisme et de dépasser des oppositions apparemment insolubles. Mais là encore, on ne peut s’empêcher de se poser la question : est-il besoin d’aller chercher la complémentarité bohrienne pour parler d’un juste milieu ?
L’article suivant signé Atmanspacher, Filk et Römer ambitionne de construire une théorie qui permettrait de rendre compte à la fois de la physique quantique et des théories de la décision : il examine quelle serait sa structure formelle, l’unique critère étant que des observables soient incompatibles (autrement dit Heisenberg) ce qui fournit un cadre formel plus vaste et englobant que la physique quantique traditionnelle. Mais du coup, on ne peut manquer de s’étonner d’un point. Si la quantique permet de rendre efficacement compte de certains phénomènes, pourquoi diable aller construire une Théorie Quantique Faible pour en rendre raison ? Ce d’autant que les auteurs nous signalent que certains résultats spécifiques à la quantique (et d’importance) n’appartiennent plus à la TQF. En particulier, il n’y a dans cette dernière ni équation de Schrödinger, ni vecteur propre discret, ni probabilité, ni inégalités de Bell généralisées. Quant à l’indétermination, elle est épistémique et non ontique. En définitive, l’idée qui ressort de cet article est que la seule caractéristique importante de la théorie quantique qui est partagée avec les théories de la décision est la non commutativité des observables. En passant, il faut remarquer qu’on ne comprend pas alors pourquoi l’indétermination n’est qu’épistémique si l’on s’en tient à l’interprétation « indéterministe » des inégalités de Heisenberg. Mais cela soulève surtout la question de la pertinence du recours à la physique quantique. Pourquoi recourir à une théorie dans laquelle la constante d’action de Planck par exemple joue un rôle fondamental pour modéliser des domaines dans lesquels elle n’intervient pas ? Car comme le reconnaissent les auteurs, « couvrir une large gamme de phénomènes incluant des questions de psychologie et de philosophie, voire des thèmes d’expérience artistique et religieuse, par un cadre conceptuel comme celui de la physique quantique, est une tentative hautement problématique. » Et de fait, le danger est bien qu’à trop vouloir généraliser les concepts de la physique quantique, on risque d’en affadir les résultats. En effet, ainsi que le notent les physiciens Alan Sokal et Jean Bricmont, « les psychologues n’ont pas besoin de s’appuyer sur la mécanique quantique pour soutenir que dans leur domaine, » l’observation affecte l’observé » ; c’est une banalité, quel que soit le comportement des électrons ou des atomes. »16 Et inversement, si on se représente l’étude d’un système d’atomes à partir d’un sujet conscient, on risque de ne pas voir la fabuleuse étrangeté qu’il y a à ce qu’un objet non conscient soit affecté par l’observation. Mais ne boudons pas notre plaisir, l’article est vraiment très intéressant malgré de nombreuses lourdeurs dues aux développements mathématiques : certains passages sont en effet incompréhensibles au commun des mortels parce que trop allusifs ou s’appuyant sur des résultats mathématiques ésotériques (que l’auteur de ces lignes n’a pas l’heur de connaître).
L’article de Zwirn est celui qui pousse le plus loin le caractère formel et purement opératoire. A tel point que dans un article censé parler de la décision et du choix, il n’en parle presque pas ! Le problème examiné est le suivant : comment expliquer des décisions apparemment irrationnelles ? La thèse défendue par l’auteur est que les préférences de l’agent ne sont pas complètement déterminées au moment où l’agent prend sa décision. L’auteur élabore à partir de là une analogie avec les fonctions d’ondes dont les états se superposent tant que la mesure n’a pas été effectuée (la réduction du paquet d’ondes). Mais ici, même le critère d’efficacité apparaît discutable : son modèle rend mieux compte d’une expérience qui n’existe pas et n’a pas été menée !
Dans la même veine, l’article de La Mura stipule que le formalisme quantique permet de résoudre certains paradoxes de la théorie de la décision.
L’ouvrage se clôt par deux articles signés Danilov et Lambert-Mogiliansky. De même qu’avec Bitbol, le caractère heuristique de la démarche apparaît clairement dans le premier. On a vraiment l’impression que la physique quantique constitue pour ces auteurs un réservoir à idées (mathématiques non classiques, probabilistes et non linéaires essentiellement). Néanmoins on ne peut s’empêcher de se dire que l’on pourrait trouver aussi bien nombre de ces éléments dans le chaos déterministe que dans la physique quantique. Les auteurs commencent par remarquer que demander aux agents de prendre une décision affecte leur état d’indétermination initiale voire leur préférence sous-jacente. De ce constat, comme Atmanspacher et al. ils tirent une analogie entre « l’effet de disjonction » et les inégalités d’Heisenberg (un Heisenberg lu par l’école de Copenhague). A partir de là, ils envisagent la pertinence de construire un formalisme quantique touchant la prise de décision. On notera que, reprenant discrètement des idées dues à Bohr17, ils remettent en cause l’existence de propriétés préexistant la mesure, c’est-à-dire de l’objectivité. On pourrait objecter que l’analogie qu’ils envisagent n’est pas justifiée autrement que par son efficacité opératoire et ne constitue qu’un indice bien faible pour présumer la pertinence du paradigme quantique, néanmoins il est clair qu’il ne s’agit ici que d’ouvrir des pistes, ce que Reichenbach appelait le contexte de découverte qui ne nécessite pas de justification trop appuyée.
Enfin, dans un article notablement moins lisible que le précédent, les mêmes auteurs prétendent montrer que les ortho-treillis de Von Neumann seraient la structure naturelle des théories de la décision – ce qu’en définitive ils ne montrent pas. En effet, ils montrent seulement que « les concepts de bases [sic] des probabilités sont transposables aux ortho-treillis » autrement dit qu’il est possible d’utiliser cette structure mathématique mais nullement qu’elle s’impose comme celle qui serait « naturelle ». C’est peut-être dans ce dernier article que la confusion entre explication et efficacité apparaît de la manière la plus patente.
B : Quelques critiques
Passons aux points négatifs : la lecture de plusieurs articles demeure réservée à ceux que ne rebute pas un certain formalisme mathématique. Sans doute est-il normal que l’application de définitions générales ou d’un formalisme abstrait à des cas simples donne une impression de pédanterie – ce n’est que pour les cas plus complexes que l’intérêt devient manifeste – ; il serait donc injuste d’adresser ce reproche aux différents auteurs. Mais justement, on aurait aimé qu’ils nous expliquent davantage l’intérêt à recourir à des concepts aussi sophistiqués et à un tel formalisme. Mais surtout, certaines notions sont introduites sans explication ni définition et font que certains passages de ce livre sont réservés aux spécialistes alors qu’ils auraient pu intéresser beaucoup plus de monde.
On en déplorera d’autant plus un travail d’édition quelque peu hâtif. En témoignent les nombreuses coquilles, les changements d’appellation (par exemple G pour Gauche qui devient L pour Left), une variable mise pour une autre, etc. qui en rendent la lecture un peu plus malaisée.
On peut également regretter que les débats autour de la physique quantique ne soient pas suffisamment restitués. Sans doute n’était-ce pas l’intention de l’ouvrage mais quelques mots auraient permis de prendre un peu d’un salutaire recul. On aurait aimé que les auteurs présentent les différentes interprétations que l’on peut donner de tel ou tel résultat. Rappelons par exemple que les inégalités de Heisenberg donnent encore lieu à de vifs débats. Le point de vue présenté (celui de Bohr et de ce qu’on a coutume d’appeler l’école de Copenhague) n’en est qu’un. On peut considérer au contraire – ainsi que le fait le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond par exemple – que ces inégalités ne font que traduire l’inadéquation des concepts classiques comme la vitesse et la position à caractériser les particules quantiques De même, l’expérience d’Aspect est présentée à plusieurs reprises comme une expérience cruciale malgré les légitimes réserves que l’on peut avoir quant à ce concept depuis Duhem et Quine.
Conclusion
Bref, avec Théorie quantique et sciences humaines, on a un ouvrage qui se veut ouvrant des pistes mais dont on regrettera que certaines analogies qui paraissent contestables ne soient pas davantage explicitées. Et si l’ouvrage annonce – discrètement – son ambition de remettre en cause certains concepts importants comme l’objectivité, on doit surtout noter qu’il introduit un peu en contrebande des normes d’opérativité. Il ne s’agirait que d’examiner la capacité du formalisme quantique à rendre compte de phénomènes des sciences humaines. Mais derrière l’apparente modestie de la démarche, perce le rêve unitaire qui meut la physique18. L’ouvrage pose les jalons d’un projet ambitieux qui, à l’instar de ce dont rêvait Bohr, vise l’« unité de la connaissance ».
- Thématique développée par le même Bitbol dans Physique et philosophie de l’esprit, Paris, Flammarion, 2000.
- Michel Bitbol (dir.), Théorie quantique et sciences humaines, Paris, CNRS éditions, 2009, p. 208.
- Tel est du moins le point de vue de l’école de Copenhague dont Bitbol se fait le héraut.
- René Thom, Prédire n’est pas expliquer, Paris, éditions Eshel, 1991, p. 86.
- Ibid., p. 130.
- C’est du moins ainsi que même un positiviste comme Ernst Nagel le présente. Cf. Ernst Nagel, The structure of science. Problems in the Logic of Scientific Explanation, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1961.
- Friedrich Von Hayek, Scientisme et sciences sociales, Paris, Plon, 1953, p. 9
- Michel Bitbol (dir. ), op. cit., p. 41.
- Ibid., p. 49.
- Ibid., p. 51
- Cf. Niels Bohr, Physique atomique et connaissance humaine, Paris, Gallimard, 1991, p. 179.
- Michel Bitbol (dir. ), op. cit., p. 78.
- Ibid., p. 103.
- Ibid., pp. 104-105.
- Ibid., p. 105.
- Alan Sokal & Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Paris, Odile jacob, 1997, p. 190.
- Voir par exemple Niels Bohr, op. cit., p. 155.
- Cf. Etienne Klein & Marc Lachièze-Rey, La quête de l’unité, Paris, Albin Michel, 1996.