Hans Blumenberg : Die ontologische Distanz

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« Sa thèse d’habilitation est incontestablement une étape qui éclaire le parcours de Blumenberg… »

Helmut Mayer, Frankfurter Allgemeine Zeitung

 

            Avant-propos : sur le statut controversé du texte

 

Hans Blumenberg (né le 13 juillet 1920 et décédé le 28 mars 1996) pourrait, malgré tout, être encore aujourd’hui considéré comme un philosophe « invisible », justifiant l’adjectif par lequel le film documentaire de Christoph Rüter le désigne.[1] Le philosophe allemand ne donnait pas d’interview et ne se laissait pas photographier, nourrissant, selon ses détracteurs actuels, une certaine mise en scène de la réception de ses textes, en particulier ceux qui sont encore inaccessibles et qui le sont longtemps restés même pour le lectorat germanophone. Qu’est-ce que cette version éditoriale de Die ontologische Distanz ? Il s’agit du texte présenté par Blumenberg en 1950 pour sa thèse d’Habilitation, assorti en « annexe » (« Anhang », pièce jointe) du texte de la première version proposée en 1949, soit tout de suite après sa thèse de doctorat, soutenue en 1948.

 

Il s’agit donc d’un texte appartenant aux débuts de la production de Blumenberg. Cette antériorité, par rapport aux œuvres écrites ultérieurement et qui ont connu un retentissement important, pourrait pousser le lectorat à le considérer comme « dépassé » en tant qu’il serait un « échafaudage », une étape du cheminement de la pensée de Blumenberg qui pourrait, depuis, être tenu pour négligeable. En effet, puisque d’une part Blumenberg lui-même n’a pas garanti la publication (il écrivit qu’il laissait le soin à ses héritiers d’en faire ce qu’ils voudraient), et puisque d’autre part Blumenberg lui-même a dépassé, par aspects, dans certains travaux, certaines des lignes les plus explicites de Die ontologische Distanz, il serait soi-disant frauduleux, du point de vue de la cohérence de la pensée du philosophe, de recourir aux éléments de ce texte et peut-être même d’en parler. Si une telle considération devait être faite, par exemple au sein de la Blumenberg-Forschung, il nous semble qu’elle appellerait aujourd’hui une nuance, ou du moins une réponse.

 

Certes, on trouve dans Die ontologische Distanz les fondations de points mieux et plus longuement défendus ailleurs dans l’œuvre de Blumenberg — par exemple ce qui deviendra la critique de l’acmé de l’histoire dans la théologie dans Die Legitimität der Neuzeit, ou encore la critique de la phénoménologie qui s’est déployée dans plusieurs manuscrits perdus ou transformés, dont certains pans constituent en dernière instance des chapitres entiers de Beschreibung des Menschen. Mais on trouve aussi des esquisses qui, quand bien même n’ont-elles pas été mieux précisées ailleurs, restent décisives du point de vue de l’histoire de la philosophie, et même du point de vue de l’histoire de la science historique, en apportant un éclairage neuf sur les problèmes desquels il s’est approché. Un troisième exemple serait l’idée conceptuelle des « valences » des époques paradigmatiques qui, de l’idée d’une « morphologie de la distance ontologique » deviennent après 1961 les arguments d’un « concept de réalité » qu’il va étudier sous diverses approches (et notamment dans un article de 1964, « Wirklichkeitsbegriff und Möglichkeit des Romans »[2]) mais il parle déjà, et à plusieurs reprises, de « conscience de réalité » dans ce texte.

 

D’une façon générale, Blumenberg abandonna beaucoup de ses chantiers éditoriaux, se lassant rapidement des considérations liées à la publication de ses ouvrages et préférant peut-être se consacrer à la rédaction, accumulant ainsi les manuscrits dans les tiroirs de ses archives. Compte-tenu de ce penchant, laisser de côté ou dévaluer les manuscrits qui n’ont de cette manière pas été menés au terme de la publication ne nous semble pas nécessairement digne de sens. Si le jeune Blumenberg (trente ans en 1950) a plus tard présenté sous des formes plus abouties ce qu’il écrivit par tâtonnements, dans le feu de la recherche, cela ne nous semble pas justifier l’élimination, ou la diminution de ces idées, sous prétexte qu’il y revint plus tard avec un œil plus mûr et plus ferme. Il faudrait parfois être capable d’affirmer : au contraire. La vitalité extrême de ces vingt-six paragraphes répartis sur quatre parties mérite de donner une place sérieuse à ce texte,  même si cette vitalité souffre certes parfois de confusion, de contradictions, de promesses suspendues ou de brisures dans le rythme ou la démonstration.

 

Nous sommes convaincus que si Blumenberg avait voulu renier purement et simplement les travaux  qu’il mit en chantier dans le manuscrit de Die ontologische Distanz, alors il n’aurait pas isolé son texte et ne lui aurait pas permis de rejoindre ses archives ; à celles et ceux qui justifieraient cela par du sentimentalisme, il faudrait justement répondre que la plupart des grandes idées de Blumenberg se trouvent déjà, confusément ou non, exprimées dans ce manuscrit. Lire ce texte aujourd’hui permet peut-être d’appréhender le foyer, le creuset premier de sa pensée, directement dérivé de certaines idées déjà en activité dans la première cheminée de sa thèse de doctorat[3]. Il y a donc du sens à se ce consacrer aujourd’hui à ce texte, tout en gardant à l’esprit cette réserve, celle de la distance raisonnable que Blumenberg a maintenu avec ce texte et qui résista jusqu’à la fin, et dans l’esprit de son auteur (en témoignent les échecs partiels dont Nicola Zambon isole certaines illustrations) et dans la lettre de son œuvre. Nous gardons fermement à l’idée que l’un des termes majeurs de toute la philosophie de Hans Blumenberg pourrait bien être celui de l’ « horizon » — historique, de sens, phénoménologique, de conscience, culturel, technique, etc. À ce titre, Die ontologische Distanz pourrait bien être cet « horizon » qui est à la fois le point de départ et la perspective de la philosophie de Hans Blumenberg.

 

            Le potentiel du  contenu de Die ontologische Distanz

 

Nous saisissons donc l’occasion de la publication en allemand de Die ontologische Distanz: Eine Untersuchung zur Krisis der philosophischen Grundlagen der Neuzeit aux Verlag Suhrkamp en 2022 afin de présenter deux ans plus tard au lectorat français le contenu de Die ontologische Distanz, qui nous paraît décisif pour comprendre  le fond de l’œuvre de Blumenberg. Mais c’est aussi pour nous l’occasion d’exposer l’homogénéité d’une œuvre toujours déjà contenue en germe dans l’Habilitation. Pour essayer de le rassembler en une formule, ce texte porte sur la liaison phénoménologique du sujet au monde au travers de la structure de performance qu’est la conscience — conscience de quelque chose, conformément à l’identification husserlienne de la liaison de la conscience au monde. Toute la singularité intellectuelle de Blumenberg s’annonce dès cette ambition formidable — et partiellement ratée pour certains commentaires — de l’Habilitation. Il nous semble toutefois que l’énormité de ce projet a pour principal mérite de nous donner conscience de phénomènes historiques et philosophiques qui pourraient sans un tel texte passer pour des évidences. Et si l’échec peut être la sanction de ce texte, nous pensons que l’échec est à l’aulne de la réussite : partiel. Car nous sommes là pour lire ce texte, et pour le poursuivre, triomphant par nos lectures de la finitude de Blumenberg lui-même, indépendamment de l’enjeu de son habilitation universitaire et des (trop ?) nombreuses querelles auxquelles la ligne brisée mais continue de ce texte prédestinait le philosophe.

 

Le premier projet de Hans Blumenberg ne visait rien moins que la restitution de la « rigueur » philosophique et nous donne accès au testament par anticipation des visées de l’ensemble de sa philosophie. Grâce à ce premier texte, pratiquement « génétique », arrivant tout de suite après sa thèse sur l’ontologie médiévale, les outils sont désormais réunis qui permettent d’envisager le système comme un ensemble, en démontrant la rigueur de sa logique, de ses aboutissements et la nécessité qui préside à toutes les ramifications qui furent les siennes et qui passèrent parfois pour avoir été éparses et désordonnées. Il est pourtant possible aujourd’hui de discerner les centres de gravité de cette œuvre. Jürgen Goldstein en nommait déjà certains en 2020, auxquels on peut désormais en ajouter d’autres grâces aux publications posthumes qui eurent lieu depuis : « Les aspects centraux de sa philosophie nécessitent une présentation dans leur contexte respectif : l’autoconservation de la raison, l’absolutisme de la réalité, la phénoménologie de l’histoire, par exemple. »[4] Nous dirions : l’ontologie et ses conditions de possibilité, la réflexion sur l’être dans le sillage d’Aristote telle qu’elle fut poursuivie par Husserl d’abord, puis défendu par Blumenberg chez Husserl contre Heidegger en intégrant toutefois certaines notions heideggeriennes — il ne faut oublier Landgrebe : son Phänomenologie und Metaphysik de 1949 est un texte essentiel pour Blumenberg.

 

Le terme allemand pour le mot français « rigueur » est « Strenge » que l’on peut aussi traduire par « strict », « sans négligence ». Il est la clef de voûte de l’une des trois versions du sous-titre de l’Habilitation, comme en témoigne Nicola Zambon en première page de la postface[5]. La question centrale de la « rigueur » philosophique est saisie par Blumenberg comme ayant été le point sur lequel achoppait le projet cartésien, justifiant la reprise par Husserl[6], et dans l’échec, aux yeux de Husserl lui-même, de ce qu’il concentre dans la formule de l’ « universalité de la coïncidence du langage et de la pensée ».[7] Le geste de l’Habilitation visait à restituer cette « rigueur » de l’homogénéité de la phénoménologie, grâce à laquelle serait résolue la crise séparant irrémédiablement le sujet du monde des objets. C’est de l’étude des conditions de médiation de la distance de cette séparation, comme source de l’ontogenèse, que s’occupe l’Habilitation ; c’est-à-dire, en somme, que la Distance ontologique vise à expliquer ce qui s’exprime dans le phénomène de la distance ontologique, mais vise également à la description du mode de cette expression.[8]

 

Notre compte-rendu est à la fois la présentation d’un texte, une recension, et cette recension est le prétexte de la description du double programme de Blumenberg : ce qu’il a visé dès l’Habilitation, et ce qu’il a atteint dans son œuvre complète. Nous allons donc évoquer son œuvre comme si nous progressions sur une carte, nommant différents points des rayonnements de l’organon de son activité de philosophe, afin d’en souligner les arcs dynamiques (la fameuse « métacinétique de l’être » grâce au travail de laquelle « les réalités dans lesquelles nous vivons remplacent l’être », Zambon, p. 372) et montrer leur rayonnement depuis le foyer qu’est la distance ontologique. C’est-à-dire ce qui pourrait être envisagé comme la distance du sujet au monde, celle qui se tiendrait entre l’activité consciente de l’intériorité du sujet d’une part et sa conscience du monde d’autre part, cette dernière entendue ici dans le sens de sa « conscience portée » sur le monde. Et en même temps il nous semble que cette dénomination de distance ontologique désigne également l’activité ontologique exigée par le besoin de se lier au monde, qui est en activité dans et par le sujet. Car pour Blumenberg, et c’est encore une justification de la relation par « rayonnement » et par « concrétions » dont nous parlions, toute l’histoire du monde de la pensée, est une succession de manifestations de cette « métacinétique de la pensée dans son ensemble » (Blumenberg, 2022, p. 18) qui jaillit d’une rencontre interne et fondamentale entre deux régimes de l’activité de l’esprit. Plus tard, après la parution de son livre sur la métaphorologie[9], Blumenberg sera plus radical et convertira le concept husserlien du monde de la vie, au point d’établir ce vers quoi Die ontologische Distanz n’est peut-être encore qu’une intuition : le rôle de l’esthétique dans l’activité ontogénétique. Nicola Zambon, éditeur régulier des textes de Blumenberg écrit que

 

La description des concepts de réalité remplacera la morphologie de la distance ontologique : nous ne parlons plus de compréhensions de l’être, mais plutôt de structures de sens historiquement variables, dépendantes du contexte et du monde de la vie, qui préforment notre conscience et notre compréhension du monde de la réalité. (Zambon, 2022, p. 372)

 

Alors même que nous nous contentons de décrire le mode des opérations de ce qui se trouve au cœur de la distance ontologique comme contenu (ou comme « production »), on sent déjà s’annoncer la terminologie qui ne se déploie pleinement qu’une dizaine d’années plus tard dans les Paradigmen zu einer Metaphorologie. On voit aussi, sur le fond, la bascule paradigmatique qu’identifie de façon systématique Die Genesis der kopernikanischen Welt[10], qui était, aux yeux de Blumenberg lui-même, l’un de ses livres les plus importants, ou encore ce qu’il identifie dans un des ouvrages grâce auxquels sa philosophie ne fut pas tout à fait invisible — sa querelle avec Carl Schmitt — dont la première édition paraît en 1966, Die Legitimität der Neuzeit.[11] Tout cela participe d’une homogénéité démonstrative.

 

En tant que takinèsis des horizons historiques — et en prévision de la dynamique de repositionnement que Blumenberg introduit dans La Légitimité des Temps Modernes et qui sera affinée dans la Genèse du monde copernicien — il convient d’examiner pourquoi la distance a pris les formes qu’elle a, ce qu’elle a accepté. L’analyse revient à affirmer que la configuration cartésienne de la distance – la contraposition entre sujet et objet – est une forme historique, ce qui signifie en même temps qu’elle n’est qu’une forme historique (parmi tant d’autres possibles). Les modes historiques de distance étaient des possibilités, ils n’étaient ni le destin ni le hasard, mais : la contingence. La crise des temps modernes n’était donc pas une nécessité. La compréhension cartésienne du sujet et de l’objet qui a donné naissance à la crise n’était pas inévitable, ni naturelle, mais elle était à son tour une constellation historique contingente dont l’évidence doit être remise en question afin de trouver une issue à l’impasse d’époque diagnostiquée. (Zambon, 2022, p. 355)

 

Zambon nous semble appuyer ici cette idée d’une bascule depuis « l’histoire de l’être » vers ce que nous pourrions établir comme une « histoire de la paradigmatique de l’être » qui serait enfin ultimement consommée. Cependant l’écrire ainsi ferait courir le risque de mélanger ce qui est annoncé par l’Habilitation et ce qui se ne matérialise méthodiquement que plus tard. Pourtant, il ne faut pas négliger que l’Habilitation est un travail écrit entre les vingt-huit et les trente ans de son auteur, et est à ce titre dépositaire du contenant de l’ensemble de l’arsenal intuitif extrêmement riche qu’il passera les quarante années suivantes à développer. Il nous semble que, outre la radicalisation progressive de sa rupture avec Heidegger, Blumenberg ne changea jamais de route.

 

Il faut admettre l’ironie de la situation : Hans Blumenberg a construit, dans la transversale de ses expérimentations, l’ensemble de son ouvrage en parfaite adéquation métaphorologique avec ce qu’il souhaitait démontrer (Goldstein, 2020, p. 28). Mais ce n’est pas tant une ironie, ou un paradoxe, que le mode même de compréhension synthétique (et peut-être continental) par lequel il faut toujours lire Blumenberg si l’on veut le comprendre : il faut lire en acceptant que l’érudition, et l’éducation avec, est un horizon, et non un arsenal.

 

Le contenu (le produit) et le contenant (l’espace de production, de travail, Arbeit) de son système se superposent et coïncident. Un autre des ouvrages monumentaux de Blumenberg, Arbeit am Mythos[12]  suit un schéma identique : il est question d’un travail sur le mythe en tant que c’est ce qui se trouve sur le métier de l’auteur, mais il s’agit en même temps d’une étude des modes de travail du mythe, des conditions de possibilité et de nécessité de sa production. L’ouvrage de Die ontologische Distanz désormais disponible est le foyer à partir duquel les autres ouvrages peuvent être compris comme les matérialisations (Blumenberg utilise la métaphore des « pelures d’oignon » dans la Vérité nue) des conditions formelles dont la Die ontologische Distanz était ou aurait été l’archistructure et le virage à partir de laquelle Blumenberg s’éleva vers une autre dimension de la philosophie. Autrement dit, l’Habilitation nous paraît avoir été le contenant germinal d’une étape décisive dans la genèse de sa progression vers ce que nous comprenons aujourd’hui de la crise du sujet grâce à lui. De même que, pour le sujet, le phénomène formel interne de la distance ontologique est le foyer à partir duquel les autres aspects de sa capacité à être sujet peuvent être compris et interprétés — nous en reparlons plus bas.

 

            Présentation pour le lectorat francophone

 

Faisons face à trois remarques importantes avant d’aller plus loin :

 

  • le livre n’existe à ce jour qu’en allemand. Cette recension procède à ce titre d’une traduction personnelle et ne suit aucune édition canonique qui lui pré-existerait ;

 

  • il est nécessaire de prendre en compte l’écart entre la date d’écriture de ce texte et la date de publication : si la première édition du texte date de 2022, la version « de soutenance » date de 1950 (il existe au moins une première version, et plusieurs versions de titres). Nous sommes donc soixante-quatorze ans après son contexte d’écriture et nous ne pouvons nous livrer qu’à des spéculations sur les raisons pour lesquelles Blumenberg choisit de « laisser le texte disparaître dans ses archives »[13] — disparaître mais laissé disponible à la réapparition, ce qui est heureusement le cas désormais ;

 

  • il s’agit d’un livre singulier dont l’interprétation peut être sujet à débat — et l’est d’ailleurs. Hannes Bajohr en fait par exemple mention dans sa thèse de doctorat, dans laquelle il traduit lui-une dizaine de pages, mais sur l’interprétation de laquelle nous ne nous rejoignons pas alors que ses remarques nous paraissent finalement coïncider avec ce que l’on pourrait déduire de l’avis de Bröcker (voir La querelle de l’Habilitation ci-dessous). Jean-Claude Monod en propose une ébauche d’interprétation différente qui nous paraît à la fois plus prudente et plus pertinente. Anselm Haverkamp en parle également, en anglais, et nous évoquerons certains de ses textes sur le sujet, dans une approche qui, plus encore que ne le fait la compréhension actuelle de l’un des textes les plus connus de Blumenberg, annonçait déjà le rapport du philosophe allemand à la querelle de Davos et à l’idée de ce qui prend la forme chez Ernst Cassirer d’un criticisme de la culture (et ce, avant même qu’il ne « rencontre » véritablement les textes du néokantien[14], sans doute dans une temporalité proche de la réécriture de 1950).

 

Nous pourrions ajouter une quatrième problématique, qui est la conséquence logique et transversale aux trois premières : malgré sa dimension expérimentale et parfois contradictoire, le texte procède d’une philosophie si fondamentale, depuis le cœur de la synthèse du geste du criticisme d’une part, et depuis le cœur de la synthèse de l’intention de la phénoménologie d’autre part, que Die ontologische Distanz est extrêmement technique et exige de son lectorat une compréhension qui soit à la fois historique et analytique. Nous encouragerions toute entreprise de lecture de ce texte à considérer, malgré certaines linéarités particulièrement efficaces, chacun des vingt-six paragraphes comme des cas pratiques historico-philosophiques, dans un geste fondamentalement phénoménologique. Nous y retrouvons en effet un nombre très important des grands auteurs des trois âges de la philosophie occidentale : Antiquité, Moyen Âge et Modernité.

 

Cette Habilitation pourrait bien être d’ailleurs l’un des écrits de Blumenberg qui serait le plus conforme à la tradition analytique[15] de la philosophie — certains passages de Beschreibung des Menschen ou d’autres de Die Lesbarkeit der Welt manifestent le même geste, mais de façon locale. Die ontologische Distanz n’est définitivement pas un ouvrage d’histoire des idées où la culture générale des lecteurs seraient épaulée par de longues traverses pédagogiques pré-établies par l’auteur, et cela justifie l’importance du travail d’édition. Nous l’avons déjà affirmé : c’est aussi un texte dont la forme éditoriale n’a pas été supervisée par Blumenberg lui-même et ce faisant, la dimension pédagogique à laquelle Blumenberg habitue ordinairement son lectorat est cette fois totalement absorbée dans la tension explosive de la pure recherche de son horizon.

 

C’est dans la biographie de Hans Blumenberg écrite par Jean-Claude Monod[16] que les lectrices et lecteurs français·es peuvent trouver la première mention de ce texte dans l’histoire éditoriale française du philosophe allemand. Ce texte, à notre sens central dans le système philosophique de Hans Blumenberg, a dissimulé de la sorte plusieurs des implications et applications majeures des intuitions fondamentales de son auteur, qui rayonnent pourtant à partir de lui et trouvent différentes matérialisations et justifient l’ensemble de sa démarche comme une étape entre sa thèse sur l’ontologie dans la scolastique, vers la métaphorologie ou le travail sur les « époques paradigmatiques » de la métacinétique du sujet. C’est grâce à la singularité de l’intuition démontrée dans ce texte, et quelle que soit l’époque à laquelle Blumenberg lut Kant, que l’on peut saisir la finesse de la position de son auteur sur l’héritage du schématisme kantien, même au travers de lectures indirectes.[17]

 

On peut bien sûr, comme le propose Anselm Haverkamp[18], expliquer la reprise de la querelle de Davos depuis la métaphorologie, la notion ordinairement entendue comme fondamentale et centrale dans l’œuvre de Blumenberg. Mais on ne peut aussi, selon nous, saisir le mécanisme même, interne, à l’élaboration de la métaphorologique comme méthode et paradigmatique du déploiement de l’activité double de l’esprit (ou de la « pensée » pour rester du côté de Blumenberg, et ne pas glisser vers Hegel ou Cassirer), dans la complexité des opérations de synthèse a priori de l’entendement, que si l’on a en tête la description que pressent déjà le philosophe pour la résolution de la Krisis qu’il ébauche dans l’Habilitation. Nous pourrions donc saisir la métaphorologie comme mode de production en action, permettant de rendre visible dans l’histoire de la culture et des sciences, cette métacinétique de l’histoire du sujet comme résolution de l’historicité des « époques paradigmatiques » — la mythodynamie du « concept de réalité ».

 

En effet, comme l’écrit Haverkamp, la nuance de la propre résolution de la querelle de Davos par Blumenberg tient à l’injection d’une idée qui est absente des arguments avancés par le camp qu’il défend pourtant : la notion d’ambivalence. Or la définition du contenu de cette ambivalence comme mode de production, voilà ce qui est pour nous, lecteurs de la deuxième ou troisième génération, le contenu de ce dont Die ontologische Distanz est la préfiguration, peut-être demeuré à l’état expérimental dans la version de soutenance. La démarche de ce contenant ne vise « rien moins que mesurer l’horizon philosophique de la modernité sur fond de crise » ; la démarche de ce livre est proprement remarquable pour nous, lecteurs achronique de Blumenberg qui avons accès aux textes sans pouvoir les lire dans leur ordre d’apparition.

 

            La crise ontologique comme condition sine qua non de possibilité de l’entendement du sujet

 

Après la démarche de Die ontologische Distanz, la philosophie de Blumenberg peut considérer que la notion même de crise est intrinsèque au sujet. De même que la vérité est la métaphore de la visée de la connaissance, et non son essentialisation, la crise est l’expérience phénoménologique qui se trouve au fondement même des conditions de possibilité de l’activité de ce que nous recouvrons, en particulier, depuis Freud sous la terminologie des différents états de la conscience. Die ontologische Distanz, comme déjà écrit, annonce à notre sens ce dont Paradigmen zu einer Metaphorologie sont le cas pratique et l’illustration, sinon même ce dont ils sont la démonstration de l’efficience et de la prouesse. Le bilan de la crise interne à tout sujet est la fois production et produit de ce qui se manifeste formellement dans les deux régimes simultanés de l’activité de l’esprit, et constitue la pluralité des conditions de possibilité de ce que nous appelons du monde de la pensée. Ces deux régimes de l’activité de l’esprit, conceptuel et inconceptuel, se matérialisent dans la pensée de Hans Blumenberg sur plusieurs ouvrages et en particulier dans sa Theorie der Unbegrifflichkreit[19], que Marc de Launay traduit en français dans le titre de Théorie de l’inconceptualité.

 

Quel est le contenu philosophique de ce que propose Die ontologische Distanz ? Cela partait déjà du principe de l’ambivalence, encore étranger à Blumenberg en 1948 (à moins qu’il n’ait lu Freud dans son adolescence, ce qui est pensable mais sans que l’on puisse le vérifier) : contrairement à l’idée d’une progression de l’histoire qui serait linéaire et progressive, sur le modèle hégélien, et dans laquelle l’humanité serait passé, aux yeux de Cassirer par exemple, de l’âge de la substance à celui de la compréhension de la fonction, il s’agit pour Blumenberg de deux aptitudes simultanées qui s’expriment toutes deux dans les régimes de l’activité de l’esprit et que le besoin de chaque époque pousse le sujet à investir ou non en fonction de la prévalence paradigmatique. Dans cette perspective, substance et fonction correspondent non pas à deux étapes historiques de l’esprit, mais à deux modalités paradigmatiques (Blumenberg évoque la « potentialité » au sens de l’ontologie aristotélicienne, p. 137) du mode de relation du sujet au monde, dans  le langage, dans la science, ou dans le mythe. Le passé, écrit Blumenberg,

est « décidé » à partir de tous les passés possibles, qui sont toujours causalement présents : par exemple comme littérature, comme vocabulaire, doctrines philosophiques, objets de musée, etc. (Blumenberg, 2022, p. 138.)

 

C’est donc une révolution du rapport à l’histoire qui s’annonce : non plus une histoire de l’être, mais une histoire d’ « époques paradigmatiques » culturellement production et produit des conditions de possibilité d’auto-constitution du sujet.

 

Autrement dit, les individus qui s’établissent dans la distance qui les sépare du monde des objets comme sujets transcendantaux procèdent à partir d’une focalisation d’époque qui polarise la médiation de cette distance, à partir des outils qui sont disponibles. Ils ne suivent pas une progression historique dépendant de leur rapport à la croyance ou de leur rapport à la science, ils dépendent de la disponibilité des outils qui permettent de réagir à la crise interne, et qui les conduit à s’organiser en instituant les conditions de possibilité de l’ontogenèse telle qu’elle s’établit dans le paradigme d’époque comme résolution de la distance au monde. Car le sujet transcendantal est avant tout le processus de l’affirmation de sa propre autonomie dans son usage du principe de déterminabilité : il s’agirait d’une phénoménologie qui se veut existentielle (ou existentiale) — on reconnaît sur Blumenberg les influences de Landgrebe, de Freud mais aussi de Heidegger lui-même. Le sujet, pour Blumenberg (mais pas encore explicitement dans l’Habilitation), est capable de revenir sur les conditions de matérialisation de son propre principe de déterminabilité, à partir de cette crise fondamentale dont il identifie le travail (et non l’origine) dans le différentiel quantitatif des régimes de l’activité synthétique a priori de l’entendement.

 

Dès lors, cette « ambivalence » (terme qui n’est pas déjà présent dans les pistes poursuivies lors de l’Habilitation, malgré plusieurs titres exposant une ambivalence) s’exprime-t-elle comme paradigme, ou comme principe, d’une tension double simultanée externe à tout individu dans sa relation au monde, et interne à tout individu dans la relation de ses facultés entre elles, entre finitude et imagination, et qui se matérialise sur le plan phénoménologique dans l’usage de son propre processus de déterminabilité comme sujet transcendantal au travers des disponibilités historiques en chaque époque.

 

            Le contenu formel du texte

 

Outre les philosophes de l’Antiquité et du Moyen Âge, la trajectoire doctrinaire de Blumenberg traverse plusieurs des édifices philosophiques qui lui sont contemporains. Les emprunts qu’il y fait et les étais critiques par lesquels il les modifie sont pour autant souvent l’occasion d’une remise en cause des fondements de leurs structures, parfois sans les avoir nommées. C’est là son obsession du « paradigme »[20]. Ce qui peut ainsi passer pour une hétérodoxie infinie (à Husserl, à Heidegger et à Landgrebe lui-même, pour citer les noms que l’on retrouve le plus souvent, mais on pourrait ajouter Cassirer, Kant, Thomas d’Aquin ou Plotin), ou pour une dispersion dont on ne pourrait localiser le centre, exacerberait un certain agacement, a fortiori en cas de désaccords sur les conclusions ou la practicité des concepts déployés. Par sa prolifération, qui désigne pourtant un centre de gravité, certes invisible sans conjectures, Blumenberg agace.

 

Et pourtant ! Les éléments considérés par Blumenberg dans Die ontologische Distanz trouvent leur nervure dans la diffusion de tout ce qui touche à l’ontologie : à la fois du point de vue de l’ontogénèse comme production et à la fois depuis l’idée de l’ontogénèse comme produit. Ce faisant, il réfléchit aussi bien à l’expression de la morphologie de la distance ontologique dans l’ambivalence entre muthos et logos (II §1) qui contient à l’état séminal ce qui est en 1971 le geste plus sûr de « Wirklichkeitsbergiff und Wirkundspotential des Mythos », traduit en français par La raison du mythe, puis instruit également une partie de Die Lesbarkeit der Welt, qu’à la forme que peut prendre l’extériorité de la garantie de la raison (II §7), qu’à l’histoire comme investissement des valences ontologiques (III §1), mais il est impensable de rendre de façon exhaustive le contenu de la liste des « cas pratiques historico-philosophiques » qui constituent les quatre parties de ce texte. Ici et là, chaque paragraphe pourrait et devrait être discuté pour être idéalement présenté ; en voici une liste traduite de façon personnelle qui, si elle manque probablement d’exactitude, permet néanmoins de saisir la dynamique à l’œuvre dans le texte :

 

Partie I : Explication et développement du problème de la distance

  • 1. La remise en question du caractère scientifique de la philosophie
  • 2. L’origine de l’auto-interprétation scientifique de la philosophie
  • 3. Le caractère décisif ontologique du concept scientifique de certitude
  • 4. La radicalisation du concept scientifique de certitude en phénoménologie
  • 5. Le problème de la distance de la réduction phénoménologique
  • 6. L’inversion de l’approche cartésienne-phénoménologique

 

Partie II : Aperçus sur la morphologie historique de la distance ontologique

  • 1. « Mythos » et « Logos »
  • 2. La situation socratique et le logos
  • 3. La définition métaphysique de la distance théorique
  • 4. La dé-responsabilisation du logos cosmique
  • 5. Voir et entendre
  • 6. La double vérité et l’origine de la crise des certitudes
  • 7. L’affirmation de soi de la raison devant la question de la certitude
  • 8. Le caractère décisif ontologique des Lumières et l’éveil du sens historique

 

Partie III : Objectivité et indépendance comme termes de la distance ontologique

  • 1. Passé historique et présent historique
  • 2. La forme originelle de la question philosophique
  • 3. La genèse de la conscience historique comme formation originelle des objets
  • 4. Monde et objet
  • 5. Le monde comme réussite intellectuelle
  • 6. Les fondements du monde phénoménologique des sciences dans ses problèmes d’originalité
  • 7. Le rendement du concept d’horizon phénoménologique pour le thème mondain
  • 8. La genèse passive de l’horizon du monde

 

Partie IV : La finitude de la pensée

  • 1. Le projet infini de la phénoménologie comme revendication d’impartialité historique
  • 2. L’effondrement de ma structure universelle de familiarité du monde
  • 3. La destruction des fondements ontologiques du projet de certitude infinie
  • 4. La réduction de l’oubli de l’être et la nouvelle pensée de l’être

 

Le contenu éditorial de l’ouvrage de 2022 intègre donc la version de 1950, qui est celle de soutenance et se déploie sur 276 pages (9-285), dont nous venons d’exposer l’ossature, mais elle contient également la première version, plus concentrée, de 1949, contenant 56 pages (287-249) bibliographie incluse, en « pièce jointe » du manuscrit de 1950. Il s’agit du dossier établi par Blumenberg lui-même sur la couverture de laquelle il avait dessiné une tête de mort, assurant par là un contenu hautement toxique, pirate ou au moins empoisonné — d’où la « distance raisonnable » dont nous parlions plus tôt.

 

Écrivons-le encore à l’aide de ce nouvel argument : à la consultation de ce squelette, nous voyons bien de quelle façon, plus tard, la philosophie de Blumenberg a pu envelopper et intégrer dans des préoccupations préexistantes la posture d’un philosophe du mythe et de la culture tel que Ernst Cassirer. De même peut-on envisager ce qui préparait déjà le philosophe de Lübeck à la posture qui est la sienne à propos de la querelle de Davos opposant Cassirer à Heidegger, notamment sur le plan de la destination de l’être humain quant à sa finitude : comme source ou comme impasse — annonçant même, en fait, sa réponse aux positions que prirent Wittgenstein et Russel sur ce sujet, et en définitive sa position quant aux issues du « clivage » qui fractura la philosophie entre philosophie continentale et philosophie analytique. Blumenberg, nous semble-t-il, appartient aux deux courants, sur le contenu pour la philosophie analytique, sur le contenant pour la philosophie continentale.

 

D’aucuns diraient que Blumenberg participe à trop de querelles, veut mener simultanément un trop grand nombre de luttes d’un même front, et ces titres donnent un aperçu paradoxal de la rigoureuse homogénéité de son approche ; qui rayonne depuis le problème de la distance ontologique, c’est-à-dire, comme nous l’avons déjà écrit, de la liaison phénoménologique du sujet au monde au travers de la structure de performance qu’est la conscience — conscience de quelque chose, conformément à l’identification husserlienne de la liaison de la conscience au monde. Il ne faudrait pas oublier que le texte de 1950 de Die ontologische Distanz n’est pas un testament mais, tout au contraire, un jaillissement figé dans son énergie, dont certaines retombées ne sont que par la suite traitées. Systématisant l’idée d’une « pensée de la crise », Blumenberg s’est même rendu, sur le tard (c’est-à-dire pas directement dans le texte qui nous occupe ici), jusqu’à la limite de la fonctionnalité de l’activité de penser.

 

Blumenberg jouit depuis sa mort d’une popularité croissante : pour le lectorat francophone, le dernier opus paru en date est La Vérité nue (Die nackte Wahrheit, 2019), paru la même année que Die ontologische Distanz, mais aux éditions du Seuil.

 

            La querelle de l’Habilitation

 

Dès 1949, Blumenberg est prêt à déposer le texte de sa thèse d’habilitation. L’un des trois jurés, Walter Bröcker, écrivit sur la version de 1949 — alors intitulée Problème de distance du philosopher — l’équivalent d’un pré-rapport de jury tout à fait dévastateur. Il est possible que Bröcker n’ait tout simplement pas trouvé pertinente la question que posait Blumenberg, ni sensée la solution qu’il prétendait apporter à un problème qui n’aurait selon lui pas existé. Il n’y a pas d’explication véritable sinon les seules spéculations des commentateurs qui ne permettent pas de comprendre ce conflit, outre, peut-être, une certaine défense de l’orthodoxie de la lecture de Heidegger.[21]

 

Comme l’écrit Zambon, on ne connaît toujours pas aujourd’hui les motifs exacts de Bröcker mais il semble que le troisième évaluateur, dont le nom comme le contenu de son intervention sont encore inconnus à ce jour, ait finalement « sauvé » Blumenberg (Zambon, p. 367.) Toujours est-il que le candidat vécut le contenu de ce pré-rapport comme un casus belli, et Nicola Zambon parle d’un « soufflet » dans la postface. Blumenberg considéra ce pré-rapport comme une agression personnelle, visant ou bien la tradition catholique de sa formation intellectuelle, ou bien l’hétérodoxie de sa lecture heideggerienne, voire même, visant la divergence des lecture de Husserl par Heidegger d’une part, dont Bröcke était le doctorant jusqu’en 1928, et celles d’Husserl lu par Landgrebe d’autre part. Ainsi, plutôt que de l’entendre comme la remise en cause d’une possible immaturité de tout ou partie des positions doctrinaires de ce la démonstration qui allait devenir l’Habilitation, Blumenberg en fit une affaire personnelle sur laquelle il mit parfois Landgrebe au pied du mur. Simultanément et parce qu’il n’avait pas le choix, intellectuellement parlant, Blumenberg reprend intégralement le manuscrit au point de « complètement [le] réorganiser » (Zambon, p. 368). Avec ses autres « pères », le même Bröcker validera le texte de l’Habilitation sous sa forme définitive en 1950.

 

Outre une certaine tendance à l’exagération ou aux déclarations dramatiques et définitives — que son mentor apaise la plupart du temps —, il faut donc prendre la mesure du ressentiment de Blumenberg face à ce qui pourrait avoir été la réalité objective de son environnement. À ce stade, tout chercheur s’investissant particulièrement dans ses travaux et s’identifiant à la réussite de la progression de ses idées ne peut ressentir qu’une empathie sans limite pour le Blumenberg tout juste trentenaire. Pour autant sans cet échec, sans ce qu’il vécut comme l’humiliation de son premier projet de l’Habilitation, « en raison de ses prétentions majestueuses, à mesurer la modernité à l’horizon et à sa crise » (p. 372), Nicola Zambon suggère que Blumenberg n’aurait peut-être jamais écrit ses œuvres majeures — qui peuvent peut-être passer pour des réponses tardives à certaines des remarques lapidaires du pré-rapport de Bröcker.

 

Il faudrait peut-être, dans un soucis archéologique, remonter jusque dans sa thèse de doctorat pour saisir à quel point se trouvait le germe de ce qui advient plus tard dans l’ensemble de son œuvre mais nous estimons à ce stade que le travail de reprise sur le texte de l’Habilitation, après l’échec de la première soumission (trop pressée), entre 1948 et 1950, a « déterminé » véritablement la direction que prendrait Blumenberg dans toute sa posture philosophique. On retrouve par exemple dans les Contribution la fameuse intuition, plus tard reprise et déployée de façon systématique, des « époques paradigmatiques », que Blumenberg associera aux matérialisations de ce par quoi l’histoire de la conscience traite l’épreuve de la distance ontologique, et qui n’est pas sans rappeler certains éléments de la posture du Heidegger encore privatdozen, et accessibles dans ses cours du semestre d’hiver 1921-1922, parus en français sous le titre Interprétation phénoménologique en vue d’Aristote[22]. Allant dans le même sens que ce premier Heidegger, l’histoire même de la conscience se fait pour Blumenberg une historicité des modes de résolution de la distance ontologique tout au long de la succession des époques paradigmatiques, investissant le « potentiel » d’influences encore non conscientisées. Blumenberg doit ensuite se démarquer de Heidegger à ses propres yeux et il choisit pour cela de défendre Husserl — quoi que le nom de Husserl ne paraisse pas dans le titre final.

 

            Le projet d’une réflexion mêlant métaphysique et phénoménologie

 

En définitive, il ne tenta de proposer rien moins qu’une réponse à la Krisis du sujet dans cette thèse d’Habilitation, telle que l’identifiait Edmund Husserl. En élaborant donc une révision de l’histoire de l’être qui soit capable de répondre aux impératifs méthodologiques de la phénoménologie tout en résolvant un angle-mort de celle-ci. Pour citer la présentation sur le site de la maison d’édition :

[…] un projet monumental qui ne veut rien de moins que mesurer l’horizon philosophique de la modernité sur fond de crise. Bien que La Distance ontologique ne soit pas entièrement à la hauteur de cette affirmation, la combinaison des intérêts historico-philosophiques et de la méthode phénoménologique de l’étude pose les bases sur lesquelles fleuriront les principales recherches de Blumenberg sur l’histoire de la conscience au cours des décennies suivantes.

 

On observe en effet les ramifications de la poursuite de Die ontologische Distanz prise comme chantier dans les parutions qui interviennent entre 1950 et 1996 — et même au-delà du fait d’une activité éditoriale posthume très intense. Le sujet transcendantal husserlien (puis de plus en plus kantien, à mesure de la progression de Blumenberg) dispose d’une réserve de ressources pour instituer les choix qu’il fera dans le cours[23] de son principe de déterminabilité : et pour se décrire lui-même[24] et pour décrire la lisibilité du monde[25] ; cette réserve se matérialisant dans la possibilité de recourir aux éléments constituant l’histoire de la culture. La gestion de la crise interne, fondamentale, et commune à tout sujet conscient de la disponibilité du principe de déterminabilité fait de la culture la destination et l’origine des usages qu’elle va en faire[26] : la culture est le contenant de toutes les traces figées de l’historicisation des réactions à l’économie fondamentale de l’effroi (Schrecken) que vivent tous les êtres humains. Ces formes figées sont disponibles dans la culture et peuvent être saisies par les générations suivantes pour leur gestion de cette même crise interne, semblable en motif et en raison, mais dissemblable en influence historique, et les conditions de possibilité du sujet établissent, dans cette nouvelle configuration de la morphologie de la distance ontologique, un nouveau concept de réalité, établissant les conditions du glissement d’un « paradigme d’époque », ou « époque paradigmatique » à une autre[27]. Dans la balance dynamique entre « textes rituels » (textes qui fondent une époque paradigmatique) et « poétisation » de ces textes, la distance ontologique est le paradigme primordial de l’activité à partir de laquelle progresse la possibilité de l’auto-décomposition de l’historicisation du sujet.

 

Ce paradigme primordial, incontestable, se manifeste donc dans la médiation par laquelle le sujet résout la distance au monde (de la factualité, de la finitude) et s’exprime à l’échelle du sujet dans la distance quantitative entre les deux régimes de l’activité de l’esprit : le régime du logico-formel, déjà identifié par Kant, et le régime des intuitions, dont nous avons émis l’hypothèse ailleurs, sous la dénomination d’un « régime esthético-formel ».[28] Autrement dit, et pour l’accoler à la trajectoire heideggerienne de l’histoire de l’être, de même qu’être conscient, dépend toujours avec Husserl d’une conscience de quelque chose, comme une activité portée sur un objet, être signifie toujours être au monde, et c’est le sens du syntagme Dasein. De telle sorte qu’il s’agit de deux façons différentes et complémentaires de parler d’une seule et même structure de performance, que l’on appelle conscience ou étant : par l’étant (là, au monde) ou par la conscience (de l’objet, du monde).

 

Pour Die ontologische Distanz lu depuis la connaissance de l’œuvre de Blumenberg, l’être pourrait ne pas être le dépositaire d’une essence ou d’une vérité, mais le foyer d’une mise en acte permanente des conditions de possibilité de la structure de performance au fondement de la possibilité du sujet transcendantal qui actualise, depuis l’inclusion du principe de crise au cœur même de ses facultés, les valences de l’époque paradigmatique en cours et état de mutabilité permanente. La crise n’est ce faisant ni une promesse ni une menace mais l’agent de la dynamique ontologique et la garantie de la persévérance de la conscience comme activité — que l’on choisisse, à ce stade, d’adosser cette activité dans une compréhension de la Critique de la raison pure telle que la propose les néokantiens, du côté des théories de la connaissance, ou que l’on recherche, comme le fait Heidegger, la restitution de l’historicité du Dasein. Indifférence husserlienne ou inquiétude heideggerienne, peu importe : l’histoire de la conscience est toujours une morphologie historique de la distance ontologique, laquelle est l’activité de ce que c’est que d’être au monde.

 

Il n’y a pas de simplification dans un retour à l’essentialisation dans la théorie de Blumenberg : il ne s’agit pas de considérer que sa théorie, pour toute fonctionnelle qu’elle soit, reposerait sur l’idée d’une « vérité » de la nature humaine et c’est précisément ce qui pousse Blumenberg vers Cassirer et le mène simultanément à s’en tenir à une certaine distance.[29] Pas plus qu’il n’y aurait une « vérité » des modes de l’applications des théories kantiennes, dans le prisme de Blumenberg, il n’y a de conception méliorative de l’histoire de l’esprit. La superposition de l’extériorité du modèle tel qu’il peut être théorisé avec l’économie interne du sujet tient à un produit constructiviste et ne se préoccupe pas d’une destination ou d’une préfiguration de ce qu’il advient dans l’histoire.[30] Autrement dit, la théorie de Blumenberg est une théorie de l’ « époque paradigmatique » présidant à la portion métacinétique de la période ainsi présentée, bien plus qu’une « histoire de l’être ».

 

            Conclusion

 

Qu’est-ce que la distance ontologique dont s’occupe Hans Blumenberg dans sa thèse d’habilitation ? Deux choses, qui procèdent toutes deux du rapport de la distance du sujet au monde,  et des conditions de possibilité de matérialisation et de polarisation de cette distance. C’est dans cette distance, pour Blumenberg, que s’établit l’historicité de la science.

 

La première de ces deux implications concerne les répercussions de l’évolution de cette distance au travers de l’histoire (la question de l’historicité étant au centre du problème, selon qu’on la considère comme phénomène ou comme cause) et rejoint alors Husserl. « « Pour Husserl », écrit Blumenberg, la « méthode » est plutôt « l’organon par lequel l’esprit scientifique échappe au caractère aléatoire et fini des individus chercheurs et échappe aux préjugés de l’existence factuelle » (Blumenberg, p. 248). L’implication infinie de la méthode phénoménologique, qui représente ici la science moderne, bannit les humains de la pensée philosophique. Il contient la fonctionnalisation de l’individu et son sacrifice pour une tâche indifférente à l’homme et à sa finitude. » (Zambon, 2022, p. 358)

 

La seconde lie la metacinétique du sujet, ou l’être pratique (Die Zweckmäßigkeit des Dasein) pris comme époque paradigmatique (paradigmatische Epoche), à ce problème et réinjecte — ou tente de réinjecter — la méthode propre à la phénoménologie dans l’étude de l’historicité, débouchant sur une restauration de l’histoire de l’être (Seinsgeschichte), mais cette fois, contre tout risque d’essentialisation et au travers de la mobilité  historiquement métacinétique du sujet.

 

Dans le mutisme de la philosophie, la crise historique du sens atteint son paroxysme : le cartésianisme s’est figé dans l’image de soi de la modernité et son renversement dans l’analyse de l’existence semble prouver, dans des circonstances inverses, qu’aucune issue n’est possible. La méthode transcendantale de Husserl, comme on peut résumer l’objection de Blumenberg, conduit à l’abandon de l’historicité. Si la phénoménologie exige que toutes les connaissances elles-mêmes soient expliquées méthodologiquement et mises en évidence, elle se trouve dans une position difficile. Parce que les preuves nécessitent de la pratique, en particulier de la pratique personnelle. (Zambon, 2022, p. 358)

 

Paradoxalement, on vérifie une fois de plus que, d’une part, Blumenberg porte déjà en lui son obsession terminologique pour le paradigme et, d’autre part, sa philosophie lui assignait déjà l’horizon cassirérien de La Philosophie des formes symboliques pour perspective.

 

Nous trouvons le motif de l’homogénéité de l’œuvre du philosophe « invisible », écrivions-nous : l’inspiration de Blumenberg pour sa thèse d’Habilitation provient d’une généralisation phénoménologique du travail spécifique qui l’occupa dans sa thèse et rapporté au problème de la crise du sujet dans les sciences européennes des temps modernes. Ainsi revenant sur la conception commune de la scolastique sur le plan ontologique, non « pas seulement [comme] médiation et [comme] passage pour l’héritage de l’Antiquité », mais ayant également une « contribution distincte et originale qui lui est propre » (Blumenberg, Beiträge, 2020, p. 24, et Zambon, p. 360), il se met à percevoir les bascules d’époques comme des signes de l’activité métacinétique de l’être, s’opposant par là même à la compréhension heideggerienne de l’histoire de l’être. L’histoire est une manifestation de la métacinétique de l’être, et non pas le rapport direct de l’être à l’histoire, et c’est le statut de la distance de l’être à l’histoire, par la médiation de cette métacinétique, qui constitue l’originalité de la posture phénoménologique (et  de facto anthropologique) de Blumenberg.

***

[1]Hans Blumenberg – Der unsichtbare Philosoph, 2018.

[2] — Hans Blumenberg, in Ästhesische und metaphorologische Schriften, Francfort, Suhrkamp Verlag, 2001.

[3] — Hans Blumenberg, Beiträge zum Problem der Ursprünglichkeit der mittelalterlich-scholastischen Ontologie, Francfort, Verlag Suhrkamp, 2020.

[4] — Jürgen Goldstein, Hans Blumenberg, Ein philosophisches Portrait, Berlin, Matthes & Seitz Berlin, 2020, p. 11.

[5] — Nicola Zamblon, « Nachwort des Herausgebers » à op. cit., 2022, p. 349.

[6] — Voir à ce sujet l’introduction de Paradigmen zu einer Metaphorologie, Francfort, Verlag Suhrkamp, 1960, qui s’ouvre précisément sur la reconnaissance de cette dette irrésolue dans l’histoire de la philosophie, pp. 7-9 de l’édition française, Paradigmes pour une métaphorologie, Paris, coll. « Problèmes & Controverses », Vrin, 2006.

[7] — Edmund Husserl, Logique formelle et logique transcendantale, Halle, 1929, p. 22, cité en p. 10 de l’édition française de Théorie de l’inconceptualité, Paris, « philosophie imaginaire », Éditions de l’Éclat, 2017.

[8] — Hannes Bajohr utilisait dans sa thèse soutenue en 2017 (pour le moment disponible en ligne, parution à venir) une traduction personnelle de dix sept points, jugeant par son auteur comme Blumenberg ne parvenait pas à atteindre son objectif, c’est-à-dire la résolution de la crise du sujet.

[9]Paradigmen zu einer Metaphorologie, 1960.

[10] — Berlin, Suhrkamp Verlag, 1975, traduit en anglais par Robert M. Wallace, The Genesis of the Copernican World, MIT Press, 1989

[11] — Hans Blumenberg, Die Legitimität der Neuzeit, Francfort, Suhrkamp Verlag (3e éd. 1997), traduite en français par Marc Sagnol, Jean-Louis Schlegel et Denis Trierweiler à partir de la 2e édition, La légitimité des Temps modernes, Paris, coll. « Bibliothèque de philosophie », Gallimard, 1999.

[12] — Traduit en anglais par Robert M. Wallace, Work on Myth, MIT Press, 1988. N’existe pas en français.

[13] — Nicola Zambon suggère que les incohérences internes au texte Die ontologische Distanz auront peut-être participé au fait que Blumenberg délaisse toute idée d’une version éditoriale de son Habilitation. Mais, comme il l’écrit, « cela nous place clairement dans le domaine de la spéculation, puisque Blumenberg lui-même n’a laissé aucun commentaire. », « Nachwort des Herausgebers » à op. cit., 2022, p. 373.

[14] — Voir à ce sujet Anselm Haverkamp, Productive Digression: Theorizing Practice, De Gruyter, 2017, et en particulier « Blumenberg in Davos, The Cassirer-Heidegger Controversy reconsidered », pp. 53-67. Pour les arguments à proprement parler de la querelle de Davos, en français, lire Aubenque (ed.), E. Cassirer-M. Heidegger, Débat sur le kantisme et la philosophie et autres textes de 1929-1931, Paris, Beauchesne, 1972. Au sujet des lectures de Blumenberg, on peut consulter la liste disponible sur https://www.dla-marbach.de/katalog-beta/

[15] — Pour voir rapidement le rapport de Blumenberg à l’histoire de la philosophie, et à l’éventuel clivage entre philosophie analytique et philosophie continentale, au travers de sa célèbre « boîte à notes » (Zettelkasten), lire les quelques pages de l’introduction de Jürgen Goldstein, op. cit., 2020, p. 24 sq.

[16] — Jean-Claude Monod, Hans Blumenberg, Paris, Belin, 2007.

[17] — Il suffirait par exemple de lire, si chaotique que soit la troisième partie et si dense soit ce paragraphe en particulier : « §8. Die passive Genesis des Welthorizontes », op. cit., 2022, pp. 231-243, qui n’est pas sans évoquer les cours de Husserl de la première moitié des années 1920, parus en français : Edmund Husserl, De la synthèse passive, Paris, Jérôme Millon, 1998.

[18] — Voir à ce sujet Anselm Haverkamp & Jean-Claude Monod, Philosophie de la métaphore, Penser avec Blumenberg, Paris, Hermann, coll. « Le Bel Aujourd’hui », 2017, et en particulier « Le scandale de la métaphorologie », pp. 13-59, également en anglais, « The scandale of Metaphorology, Blumenberg Challenge », in : Anselm Haverkamp, op. cit., De Gruyter, 2017, pp. 34-52. Il s’agit d’une conférence donnée par Haverkamp à l’Institut Warburg-Haus Hambourg, publiée comme « Das skandalon der Metaphorologie: Hans Blumenbergs philosophische Initiative », in Deutsche Zeitschrift fur Philosophie (2009), 187-205; « The Scandal of Metaphorology », Telos 158 (2012), 37-58.

[19] — Hans Blumenberg, Theorie der Unbegrifflichkreit, Aus dem Nachlaß herausgegeben und mit einem Nachwort von Anselm Haverkamp, Suhrkamp Verlag, 2007, 2019. Jean Greisch écrit dans l’Encyclopédie Universalis que « La métaphorologie implique une idée originale de la conceptualité philosophique, qu’exprime la notion d’Unbegrifflichkeit, qu’on pourrait paraphraser par « limites a priori de la conceptualité ».

[20] — Il faut lire à ce propos son article de 1971 : « Paradigma, grammatisch », in op. cit., 2001, disponible en français :« Paradigme, du point de vue grammatical » in L’imitation de la nature, et autres essais esthétiques, Paris, « Le Bel Aujourd’hui », Hermann, 2010.

[21] — Nicola Zambon, « Nachwort des Herausgebers » à op. cit., 2022, pp. 366-367 et p. 370. Il semble que le seul argument dont on garde trace aujourd’hui porte sur l’absence de recours à des textes qui ne soient pas strictement issus de Husserl, et qui puisse impliquer différentes lectures de Kant, en plus de ne pas vraiment représenter la résolution de quoi que ce soit de véritable. Pour une exposition plus exhaustive de la querelle, lire Rüdiger Zill, Der absolute Leser. Hans Blumenberg: Eine intellektuelle Biographie, Berlin, Suhrkamp Verlag, 2020, pp. 146-156.

[22] — Martin Heidegger, Interprétations phénoménologiques en vue d’Aristote, Introduction au cœur de la recherche phénoménologique, Paris, « Bibliothèque de Philosophie », Gallimard, 2016. Édition dont la version allemande était ironiquement dirigée par Walter Bröcker (1902-1992), et son épouse Käte Oltmanns, tous deux ancien·ne·s étudiant·e·s de Heidegger. Voir notamment B, b) de la « Première partie », Aristote et la réception de sa philosophie, pp. 27-28 pour en avoir exemple de contenu de la relation entre époques paradigmatiques sous la plume de Heidegger, qui correspond à ce que Blumenberg développe en III, §1, pp. 135-149, « Historische Vergangenheit und geschichtliche Gegenwart ».

[23] — Hans Blumenberg, Die Sorge geht über den Fluß, Francfort, Suhrkamp Verlag, 1987 ; Le soucis traverse le fleuve, L’Arche, 1990, pour l’édition française.

[24] — Hans Blumenberg, Beschreibung des Menschen, Suhrkamp Verlag, Francfort, 2006 ; Description de l’homme, Cerf, coll. « Passages », 2011, pour l’édition française.

[25] — Hans Blumenberg, Die Lesbarkeit der Welt, Francfort, Suhrkamp Verlag, 1979 ; La lisibilité du monde, Cerf, coll. « Passages », 2007, pour l’édition française.

[26] — Hans Blumenberg, « Wirklichkeitsbergiff und Wirkundspotential des Mythos », (1971) in op. cit., 2001 ; La raison du mythe, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », 2005, pour l’édition française de ce seul article de 1971. Déjà esquissé en op. cit., 2022, pp. 61-66 (II, §1. « Mythos » et « Logos »).

[27] — Voir par exemple Blumenberg, op. cit., 2022, pp. 135-137.

[28] — Pierre-Adrien Marciset, Paradigmes pour une philosophie des imaginaires, Paris, « Le Bel Aujourd’hui », Hermann, 2023.

[29]  — Lire à ce sujet Haverkamp, op. cit., Paradigm, 2017, pp. 53-56.

[30] — Voir Präfiguration, Francfort, Surkhamp Verlag, 2014, traduit en français par Jean-Louis Schlegel, Préfiguration, quand le mythe fait l’histoire, Paris, coll. « L’ordre philosophique », Seuil, 2016.

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Pierre-Adrien Marciset est docteur en philosophie de l’Université de Nice Sophia-Antipolis (2016-2020) auprès de laquelle il a travaillé sur l’herméneutique de la figure littéraire du diable, du XVe siècle au XXe siècle, notamment à partir du mythe de Faust. Professeur certifié depuis 2016, il a enseigné trois ans dans le secondaire dans l’Académie de Nice avant de se consacrer à ses recherches sur la tradition de l’apocalyptique juive et les théories de la connaissances, approchées à partir des néokantiens, puis plus spécifiquement avec les philosophes allemands Ernst Cassirer et Hans Blumenberg.