David Rabourdin, Une puissance d’affirmation. Essai sur la philosophie de Claude Bruaire

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Claude Bruaire, l’absolu et la philosophie de la religion

 

Il est temps de redécouvrir Claude Bruaire – c’est ce que manifestent les récentes publications à son propos[1], dont fait partie l’ouvrage que nous étudions aujourd’hui : Une puissance d’affirmation. Essai sur la philosophie de Claude Bruaire, livre issu d’une thèse de philosophie soutenue à l’Institut catholique de Paris et à la Sorbonne en décembre 2022, par le Père David Rabourdin, ancien élève de l’ENS de Lyon et prêtre du diocèse de Paris. Qui connaît aujourd’hui le nom de Claude Bruaire, philosophe catholique français, professeur de métaphysique à la Sorbonne, né en 1932 et mort prématurément en 1986, disciple de Gabriel Marcel et du jésuite Gaston Fessard, auteur de livres aussi difficiles que profonds, dans le sillage de Hegel, en particulier L’Affirmation de Dieu (1964), Le Droit de Dieu (1974) et L’Être et l’esprit (1983)[2] ? L’étude du P. Rabourdin, quoique ample, dense et profonde, se présente comme une modeste esquisse, qui veut « contribuer à la réception d’une œuvre encore largement à explorer » (p.12).

Elle a pour objet plus spécifiquement le concept de liberté, sa logique et son articulation. Bruaire ne se soucie pas d’entrer dans les querelles autour du libre arbitre, mais il prend la liberté comme donné initial, expérience première : « l’homme, libre, est toujours déjà saisi par cette puissance qui anime sa vie » (p.26). Ou, pour le dire dans les termes de Heidegger expliquant Schelling, dont Bruaire s’inspira aussi : « La liberté est l’essence qui contient et qui transit d’un bout à l’autre l’être-homme. […] l’essence de l’homme se fonde dans la liberté.[3]» (cité p.25). Bruaire se propose de réfléchir la liberté, d’en saisir le concept et la logique, affrontant la difficulté d’une liberté qui, en tant que démesure, semble se dérober à toute prise de la raison.

La première partie de l’œuvre interroge la liberté de l’absolu, passant en quelque sorte de la proposition « la liberté est absolue » à cette autre proposition « l’absolu est liberté ». Étant donné le concept de liberté, lequel contient cette propriété d’absoluité, la liberté convient d’abord et proprement à l’absolu. En effet, selon une affirmation de Bruaire, que David Rabourdin sonde longuement, « si l’absolu n’est pas absolument libre, alors il n’est pas absolument absolu, et donc pas absolu[4] ». Il s’agit de mesurer les conséquences d’une telle affirmation, rigoureuse, du concept de liberté. S’il n’est de liberté qu’absolue, alors l’absolu seul est proprement – car absolument – libre. Dès lors, Bruaire engage la lutte contre les conceptions insuffisantes de l’absolu, qu’il regroupe sous le vocable – lourd d’histoire et de sens, et donc de manière peut-être précipitée et maladroite – de « théologie négative ». Il semble, en effet, en rigueur de terme, qu’absolu ne peut signifie que sans-relation, délié de tout lien, et donc ultimement inaccessible et étranger. « L’absolu est un concept contradictoire, car il contredit toute tentative de conception au nom des données élémentaires de sa conception » (p.92). L’absolu, par conséquent, l’inaccessible, devient, selon un renversement dialectique que Bruaire fait jouer régulièrement, nous le verrons, le vide, l’absent, l’inexistant. D’où la forte sentence bruairienne : « La théologie négative est la négation de toute théologie. Sa vérité est l’athéisme.[5]» Dieu meurt de son absoluité, qui exclut toute détermination, qui le fait sombrer dans l’indétermination, qui, selon l’équation hégélienne, équivaut au néant.

Or, Bruaire ne s’en tient pas à cette auto-contradiction de la pensée de l’absolu, et, empruntant un développement hégélien, la réfute comme point de vue unilatéral et extérieur sur l’absolu, conçu comme objet, à partir du fini. Au contraire, il s’agit de « sortir de la contradiction propre à l’affirmation de l’absolu par le non-absolu, pour le laisser s’affirmer lui-même, pour recueillir sa propre puissance d’affirmation » (p.113). Cela s’accomplit par la reconnaissance rationnelle du « droit de Dieu », qui est « reconnaissance de la démesure du possible absolu par rapport au possible selon nous » (p.138) : « l’absolu doit être conçu comme absolue liberté, sans quoi il n’est pas absolu » (p.135). Que signifie cette liberté absolue ? Selon l’interprétation de David Rabourdin, elle possède « deux notes » : l’indépendance et la détermination. L’indépendance, concernant l’absolu, est évidente : l’absolu, littéralement, l’ab-solu, est le sans-lien, le délié, puissance de déliaison, de négation, l’inconditionné. Mais une telle indépendance n’est pas une pure et simple indifférence, à l’image de l’Un plotinien, « identité irréflexive[6]» de celui qui n’est pas sujet, et donc sans liberté. L’indépendance de l’absolu compose ou convient avec la détermination, d’abord détermination de soi par soi, possession et maîtrise de soi, mais aussi détermination ad extra, liberté et puissance d’agir, de s’engager, d’entrer en relation – que Bruaire nomme aussi, après Jean Wahl, « transcendance[7]», qui connote la hauteur, mais donc aussi une certaine relation, au moins possible, entre Dieu et l’homme. L’absolu prend alors la figure hégélienne de l’essence en tant que réflexion absolue, de soi à soi, selon l’image du cercle. « Parfaite indépendance, détermination de soi par soi, elle est retour complet en soi-même » (p.144). De là, de la liberté et de la réflexivité de l’absolu, Bruaire tire, en une sorte de renouvellement de la « preuve ontologique », l’affirmation de l’existence de Dieu – mais nous réservons ce point pour nos remarques critiques en fin d’article.

Voilà à quoi conduit l’approfondissement du concept d’absolu. « Il appartient à la philosophie d’affirmer l’absolu, mais cette affirmation même n’est autre que la reconnaissance qu’il appartient à Dieu de se dire, de s’affirmer lui-même » (p.161). Le philosophe affirme Dieu et conçoit la possibilité de sa révélation, c’est-à-dire de son libre et souverain acte de venue parmi les hommes. La liberté est reconnue à l’absolu – la philosophie affirme la liberté de l’absolu.

Mais il faut reprendre le questionnement, non plus d’en-haut, mais d’en bas, non plus à partir de Dieu, mais à partir de nous, les hommes. La liberté, dont on a vu qu’elle convenait à Dieu, convient-elle aux hommes ? La difficulté est de taille : comment penser la liberté humaine, dès lors que la liberté, en tant qu’absolue, est d’abord liberté absolue de l’absolu ? Et quel est cet « étrange face-à-face entre deux libertés », « entre l’absolue liberté de l’absolu, et la nôtre, imparfaite, fragile, difficile » (p.171) ? Face à « L’absolue liberté de Dieu » (Première partie), comment concevoir « la difficile liberté de l’homme » (Deuxième partie) ? Que reste-t-il de liberté à l’homme, si Dieu est absolue liberté ? Bruaire fait droit à cette inquiétude qui transit la philosophie moderne, et fait le lit de l’athéisme d’un Feuerbach ou d’un Sartre. Comme nous l’avons dit, l’homme se définit par sa liberté, pour Bruaire, et c’est pourquoi il faut se mettre en quête de la logique de sa liberté, c’est-à-dire, cette fois, en une « seconde navigation », « considérer la liberté avant tout à partir du site philosophique que lui offre l’existence humaine » (p.172).

La première étape dans cette considération sera, de manière apparemment paradoxale, d’humaniser la liberté de l’homme, si l’on peut dire, de la dé-théologiser. La première difficulté est de penser la liberté à hauteur d’homme, selon son site et sa logique propres, de ne lui pas appliquer les traits qui valent seulement pour la liberté absolue de Dieu. Bruaire se montre critique envers deux tentatives, pourtant inverses, qui méconnaissent l’une et l’autre la « difficile liberté de l’homme ». La première erreur est celle de « l’humanisme » – là encore, le mot, chargé, usé peut-être, est utilisé spéculativement plutôt qu’historiquement. L’humanisme est le « système de l’homme seul » (p.177), qui affirme avec force : « l’homme doit se délier, se déprendre de la nature, de la divinité étrangère, annuler toute entreprise d’aliénation et rendre ses forces, son destin à lui-même[8]». De ce fait, il est purement négatif, exclusif, il met l’accent exclusivement sur la note d’indépendance, mais, indéterminé, il sombre dans l’abstraction et « l’autophagie » : « l’homme, délivré de toute relation à ce qui n’est pas lui, à Dieu, à la nature, se découvre en proie à la dévoration de sa propre substance » (p.192). Cette attitude – qui est celle d’un Feuerbach en particulier – veut « restituer à l’homme ce qui est dit de Dieu » (p.178), en destituant la liberté de Dieu. Mais, si Dieu n’est qu’un miroir de l’homme – grande affirmation feuerbachienne –, l’homme se retrouve, dialectiquement, par contre-coup, le miroir de Dieu. Humanisant l’absolu, Feuerbach absolutise l’homme, fait de l’homme un absolu, qui méconnaît son être propre. La confusion entre Dieu et l’homme est aussi en défaveur de l’homme : « lorsque la liberté humaine se tient pour absolue, elle se défigure aussitôt, au point de se nier elle-même » (p.187).

Une autre manière de manquer la liberté de l’homme, symétrique, consiste à penser tout d’en-haut, à partir de l’absolu, et de ne faire plus aucun droit à la finitude humaine. Telle est l’attitude que Bruaire diagnostique chez Hegel : « situer dans l’exclusive sphère divine la liberté et sa logique, l’esprit et le rythme de son déploiement, au point de risquer d’effacer la figure humaine de la liberté » (p.201-202). Bruaire le dit clairement, en une critique aussi décisive que radicale : « la philosophie de Hegel n’a toute sa rigueur que par l’unicité, l’univocité conceptuelle de sa logique absolue qui exclut une logique propre à l’existence humaine[9]», ou encore : « Hegel ne constitue nulle part une logique de l’existence humaine. Il applique, transcrit, au monde fini, la logique absolue dont ce monde est incapable[10]». Autrement dit, Hegel conçoit l’homme sur le modèle de Dieu, il applique à l’homme la logique spirituelle qu’il a conçue pour l’absolu, et donc inadéquate à cette chose assurément étrange et paradoxale qu’est une liberté finie. L’humanisme philosophique comme l’absolutisme théologique échouent donc dans leur tâche de penser la logique de la liberté humaine, péchant tous deux par théomorphisme. Ce que tous deux ont bien senti et vu c’est que notre liberté implique une sorte de ressemblance avec l’absolu : « la liberté est équivoque. Elle recèle en effet, la démesure de l’infini, par laquelle il nous semble que nous ne différons point de Dieu[11]», écrit Bruaire. Mais il leur a manqué de penser cette « équivoque » de la liberté – qui est en vérité analogie, comme nous y reviendrons plus bas.

Penser la liberté humaine suppose donc de s’affranchir de l’« exclusive loi spirituelle », de l’univocité hégélienne, qui mène au théomorphisme. L’homme est bien libre, mais il n’est pas libre de la liberté absolue de Dieu, il est libre à sa manière, analogiquement, selon son mode. Bruaire formule le paradoxe de l’humaine liberté en ces termes : « la liberté est la présence menacée mais irrécusable d’un pouvoir inconditionné, absolu, au sein du relatif[12]». Penser la liberté humaine en sa logique propre, c’est déployer une « autologie », à laquelle s’essaye Bruaire dans sa première œuvre, qui est sa thèse, L’Affirmation de Dieu, dont le sous-titre est « Essai sur la logique de l’existence ». La liberté humaine s’y trouve située par rapport à deux autres « puissances », deux autres principes constitutifs de l’humanité : le langage et le désir. La liberté est puissance de singularité, face à ces deux puissances d’universalité. Nous n’entrerons pas dans les dialectiques subtiles que Bruaire décrit, dans lesquelles les puissances s’affrontent dialectiquement, chacune cherchant la primauté, puis se renversant en son autre, contredite par l’unilatéralité exclusive de son affirmation – dialectiques qui peuvent sembler parfois formelles, mais dont Bruaire insiste sur le caractère concret. Ce qui nous importe est cette situation de la liberté humaine, capable sans doute, mais non seule, devant composer avec des puissances qui s’imposent à elles et qu’elle n’a pas choisies. Une telle situation de la liberté nous semble en particulier comparable au « paradoxe d’initiative et de réceptivité » par lequel Paul Ricœur cherche à penser, lui aussi, la liberté finie dans Le Volontaire et l’involontaire. La liberté bruairienne déploie ses deux notes, au rythme des dialectiques avec le désir et le langage – elle est puissance de détermination face au désir, et puissance d’indépendance face au langage. Tout l’enjeu de cette « réflexion de la liberté » est sa « réfection », c’est-à-dire le remembrement, l’unification de ses deux notes, face à la disjonction qui le menace toujours. L’apport propre le plus important de la lecture que propose le P. Rabourdin de l’œuvre de Bruaire se situe sans aucun doute ici : les deux « notes » de la liberté, indépendance et détermination, dérivent, sont mises au jour à partir, de la dialectique des trois puissances. Autrement dit, le concept bruairien de liberté se constitue au creuset d’une description concrète de l’existence humaine en ses polarités et ses tensions. Le philosophe découvre – « invente », aime à dire Bruaire – la détermination de la liberté dans sa confrontation dialectique avec le désir, et l’indépendance de la liberté, dans celle avec le langage. C’est la tâche propre de David Rabourdin que d’expliciter ce rapport – de dérivation – entre la dialectique des puissances et les deux notes constitutives de la liberté, qui se trouve implicite chez Bruaire. Et l’enjeu est donc autant la conciliation des trois puissances que celle des deux notes de la liberté – conciliations qui adviennent toutes deux, et l’une par l’autre, par le passage du « dialectique » au « spéculatif ».

Ce passage correspond à la médiation du conflit dialectique entre les deux puissances par la troisième, selon une logique syllogistique. Mais on constate que la liberté ne peut médiatiser, tenir ensemble, concilier le désir et le langage, faire qu’ils s’accordent, de sorte qu’il faut supposer une autre liberté – liberté absolue – qui les médiatise et les accorde. La dialectique des puissances s’ouvre alors sur la métaphysique en tant qu’affirmation de Dieu. La liberté humaine et son jeu avec le désir et le langage découvrent sa source dans la reconnaissance de la liberté de Dieu. « L’accès de la liberté à sa propre vérité est identiquement accès à la vérité d’une liberté autre » (p.274). L’affirmation de Dieu se trouve impliquée par la logique de l’existence humaine – par quoi est répondu à la question qui ouvrait L’Affirmation de Dieu : « oui ou non, l’affirmation de Dieu, à supposer qu’elle soit possible et qu’elle s’impose, apporte-t-elle un sens à notre vie ?[13]» Certes, toute cette partie sur les dialectiques bruairiennes entre liberté, langage et désir, ne sont pas faciles d’accès, et peuvent paraître embrouillées ou factices, mais l’essentiel réside dans cette « ouverture métaphysique », qui est « ouverture à l’altérité de l’absolu », non comme saut spécieux et injustifié, mais comme implication de l’autologie de la liberté humaine, « fruit de l’exigence de circularité interne du discours spéculatif » (p.228). L’existence humaine en ses puissances ne peut trouver sa paix et son sens que dans la médiation entre langage et désir qu’accomplit une liberté autre que celle de l’homme – « point d’émergence de l’affirmation métaphysique au cœur de la conciliation spéculative ». L’affirmation de Dieu n’a pas ici le même sens que dans la première partie où elle était atteinte depuis l’approfondissement du concept d’absolu. Elle résulte ici de la dialectique propre de la liberté de l’existence humaine. David Rabourdin remarque combien « la philosophie de Bruaire est affirmative », en tant que « l’affirmation de Dieu est le fruit de l’affirmation de la logique de l’existence » (p.233). Admirable réussite, selon nous, que cette patiente émergence de l’affirmation de Dieu impliquée dans la logique de l’existence humaine – selon une logique analogue à la « méthode d’immanence » blondélienne[14].

Cela dit, l’affirmation de la liberté absolue retrouvée à partir de l’autologie de la liberté humaine, rejaillit la question, déjà effleurée, et maintenant lestée d’une gravité plus grande encore : « pourquoi la liberté absolue pose-t-elle la liberté humaine ? Comment peuvent-elles coexister ou se pénétrer ?[15]» Il reste donc à examiner, en une troisième partie, le rapport entre « l’absolue liberté de Dieu » et « la difficile liberté de l’homme ».

Le rapport entre Dieu et l’homme est pensé par Claude Bruaire comme un rapport de don. Comment penser l’existence humaine, en sa finitude, en sa liberté difficile, précaire, menacée, comment penser l’existence « décalée » de l’homme, décalée par rapport à celle de Dieu ? Selon le motif du don, répond nettement Bruaire dans sa dernière et magistrale œuvre L’Être et l’esprit. « Le don est cette autre modalité de « surgissement à l’existence » – autre que la position de soi par soi » (p.302). Exactement, la liberté de l’homme est donnée à elle-même. Cette affirmation cardinale de Bruaire se veut une correction de Hegel : « le Geben [donner] est la vérité du Setzen [poser][16]». L’homme ne s’auto-pose pas, comme l’absolu hégélien, mais est donné à lui-même par la générosité de l’absolu. Dès lors, la liberté absolue et la liberté humaine ne s’opposent plus, ne se rongent plus l’une l’autre, mais au contraire se promeuvent mutuellement. « De l’affirmation et de la reconnaissance de la liberté de l’absolu, notre liberté reçoit, précisément, consistance et confirmation » (p.309). Affirmant Dieu, la liberté humaine se trouve elle-même : conversion au principe et découverte de soi coïncident ; « son retour au principe est en même temps retour à soi » (p.312). Et le P. Rabourdin de figurer, à la suite de Bruaire, ce retour vers la source comme le retour du fils prodigue de la parabole évangélique (Luc 15, 11-32). Ignorant de son origine, pauvre et mendiant, il découvre la richesse du don qu’il est à lui-même dans sa dépendance même envers elle ; « ce n’est qu’une fois reconnue sa dépendance qu’il se découvre indépendant » (p.315). L’indépendance de la liberté humaine prend le nom de substance.

S’ouvre ainsi la possibilité de « penser une seconde fois l’esprit et la réflexion, penser l’altérité d’un second régime de liberté » (p.310), contre l’univocité destructrice de Hegel. Pour Bruaire, écrit David Rabourdin, « le don est exactement ce qui permet de situer l’esprit par rapport à la liberté » (p.322). La liberté se trouve donnée à elle-même, et donc précédée, et cette précédence de soi à soi a pour nom esprit. Nous ne pouvons rentrer dans l’examen de tous les développements bruairiens sur « l’être de l’esprit ». En résumé, Bruaire réintroduit une ontologie de l’esprit, en amont de la considération de la liberté. Plus exactement, il constitue une « ontodologie » – selon un néologisme qu’il forge à cette occasion –, une ontologie du don, de l’esprit en tant qu’être-de-don, substance spirituelle donnée à elle-même et donc libre. De L’Affirmation de Dieu à L’Être et l’esprit, Bruaire remonte de la liberté comme acte à l’esprit comme être, et donc condition de possibilité de la liberté. Il est de la plus haute importance d’affirmer que « l’esprit n’est pas seulement sujet, mais aussi substance ; il n’est pas seulement singularité, mais aussi particularité ; il est « quelqu’un » et « quelque chose », « substance pour être sujet, particulier pour être singulier[17]». » (p.324-325). La liberté est précédée par la substance spirituelle en laquelle elle s’enracine et qu’elle assume et reprend. Littéralement, « la substance s’offre à la liberté » (p.328) – « substance particulière donnée à sa liberté singulière, promise à soi, pour soi-même[18]».

Le P. Rabourdin termine sur une considération de la « tache aveugle », de l’origine insue de chaque esprit, de la « référence sans référent[19]», de l’obscur donateur de l’être à l’esprit. Ce retrait de l’origine, cette dissimulation du fondement, ne va toutefois pas, en une sorte de clair-obscur, sans ce que Bruaire qualifie d’« indéchiffrable présence à l’intime de mon être d’esprit : interior intimo meo.[20]» Le plus transcendant s’est fait le plus immanent, plus intime à moi que moi, selon la formule augustinienne que fait sienne Bruaire. Ce « mystère de l’origine[21]» ne mène cependant pas à l’athéisme, mais met l’esprit en quête, en attente, en désir de celle-ci. Pour l’étude de la logique de la liberté, cela suppose, en dernière instance, d’avouer « l’altérité au cœur même de la liberté, au lieu où l’esprit repose sur soi-même, sans cependant lever l’ignorance de cette altérité » (p.358), ou encore une « présence de l’absolu à l’intime de la liberté » (p.361), qui ne la ruine pas, mais la fait être, l’assure et l’attire.

Telles sont les différentes étapes de la logique de la liberté que David Rabourdin lit chez Claude Bruaire. Son exégèse est savoureuse, subtile, précise, interrogative, voire critique, et surtout d’une grande fidélité à la lettre d’un texte parfois difficile – le critique en vient même à si bien manier le langage du maître que les deux verbes se fondent, ou du moins se répondent. L’étude semble une enquête, qui rebondit à mesure que les problèmes surgissent et que les concepts se précisent et s’approfondissent. Surtout, la perspective d’ensemble dessine un authentique itinéraire, en quelque sorte concentrique, partant de la liberté de Dieu, plongeant en son autre, la liberté de l’homme, qui se tient avec la première en tension, presque en lutte, et, enfin, l’accord de ces deux libertés par le don que la première fait à la seconde d’elle-même. Bref, cet ouvrage, Une puissance d’affirmation, est lui-même une magnifique et puissante affirmation de la philosophie de Bruaire, du sérieux de son questionnement et de la pertinence de sa spéculation. De quelque tradition philosophique que nous soyons, cet effort spéculatif, cette rigueur de conception, cette énergie et cette vigueur à l’œuvre à chaque page, sont louables et admirables, et méritent certainement de notre part une lecture attentive.

 

Pour approfondir l’interrogation sur les vastes et difficiles problèmes soulevés par Bruaire et son interprète, nous souhaitons formuler quelques questions, suggérer quelques remarques critiques. Elles seront au nombre de trois : 1/ la philosophie de la religion, 2/ la preuve ontologique, 3/ l’analogie.

1/ La première remarque que nous voulons faire tient au statut de la philosophie de Bruaire. En des développements du début de la première partie, le P. Rabourdin tient à expliciter le rapport entre philosophie et révélation religieuse. Le « lieu » de ce rapport est appelé « philosophie de la religion », « lieu d’un commerce rugueux, fait de provocation et d’épreuve » (p.39). Ainsi, la révélation provoque la philosophie, et la suscite, tandis que la philosophie éprouve la parole religieuse, la fait comme passer au creuset de la rationalité conceptuelle. La philosophie ne peut pas ne pas écouter cette autre voix, cette « mémoire de la révélation », qui diffère de sa propre « réminiscence conceptuelle ». Philosophie et théologie partagent un objet commun – l’absolu – mais l’abordent selon deux sources bien évidemment différentes, la raison ou la révélation. Ce qui nous intéresse spécialement, c’est ce que Bruaire désigne comme provocation et suscitation chrétiennes de la philosophie, ou encore selon la logique suivante : « obéissante à la suscitation chrétienne, la philosophie y répond en pleine autonomie, pour en recevoir l’impulsion qui la renouvelle » (p.56). Qu’est-ce à dire sinon que la révélation donne à la philosophie des questions et des réponses nouvelles, dont elle peut se saisir en droit quoiqu’elle ne l’ait jamais fait en fait ? Or – et voici notre critique – Bruaire appelle ce type de philosophie « philosophie de la religion », quand il nous semble qu’il serait plus exact et opportun de l’appeler, selon le vocable proposé par Étienne Gilson de « philosophie chrétienne ». Pourquoi ?

David Rabourdin reconnaît d’abord que « « philosophie de la religion » est d’abord le nom d’une entreprise hégélienne, et non bruairienne » (p.45). Or, quelle est cette entreprise hégélienne, sinon celle d’une rationalisation du donné révélé, d’une intégration de celui-ci à la logique du système de la raison ? Bruaire lui-même sait et dit que « philosophie de la religion » désigne également la « manière d’accueillir le christianisme qui en réduit, par principes philosophiques, le contenu singulier, mais en recueille une signification appropriée à la philosophie morale[22]», œuvre exemplairement de Kant et de Spinoza, qu’il critique. Il en résulte bien que cela en fait, comme le dit Rabourdin, « une expression problématique, voire quasi-aporétique » (p.46). Au contraire, pourquoi eût-il été opportun de qualifier de « philosophie chrétienne » l’entreprise de Bruaire ? Parce que cette expression désigne précisément cette suscitation de la philosophie par la révélation chrétienne. Comme Gilson l’a magistralement montré à propos de l’acte d’être, il faut la révélation biblique de la création, pour qu’Avicenne puis Thomas d’Aquin interrogent le fait d’être purement et simplement, l’existence, l’esse, et non seulement la substance ou l’essence. De même, chez Bruaire, il faut l’affirmation religieuse selon laquelle « Dieu est quelqu’un » pour susciter la réflexion philosophique et la pousser dans la voie de l’approfondissement du concept d’absolu. Il nous semble malheureux que Bruaire dédaigne cette adéquate expression de son projet : « nous reléguons dans l’histoire les controverses sur la ‘philosophie chrétienne’, car elles demeurent notre gêne quotidienne[23]». Cherchant les raisons de cette « gêne », on peut se rapporter à ce qu’en dit le P. Tilliette qui raconte que Bruaire « avait grand peur de voir la dogmatique ou la théologie empiéter sur la philosophie, il avait une haute idée des droits et des devoirs de la philosophie, de son autonomie, il n’aimait pas qu’on lui prescrivît ses tâches par voie d’autorité » (cité p.44-45, n.18). C’est sans doute son droit de repousser cette expression, par volonté de laisser le passé au passé ; mais cela le conduit à désigner son entreprise par une autre expression – « philosophie de la religion » –, que nous croyons plus inadéquate encore. Il est certain qu’il ne convient pas de confondre philosophie et théologie – et il n’est pas sûr que Bruaire ne cède pas parfois à une telle confusion –, mais n’est-il pas regrettable de refuser un terme qui désignait exactement cette exploration par la raison de ses propres terres que la révélation lui a pourtant permise de découvrir, cette « provocation » et cette « suscitation » ?

2/ Ensuite, il nous faut nous interroger sur la preuve ontologique, ou « affirmation de l’inhérence de l’être au concept de Dieu[24]», que Bruaire prétend renouveler, à partir de la considération de l’absolue liberté de l’absolu. Reconnaître le droit de Dieu, son absolue liberté, c’est le reconnaître « comme ne pouvant pas ne pas être, ou plutôt : comme se donnant l’être » (p.156), lui reconnaître un « droit illimité d’exister » (DD 84). Que veut dire alors « exister » ? Bruaire écrit la chose suivante, qui nous indique ce qu’est « l’existence » qu’on peut déduire de l’essence : « l’essence de l’acte libre est alors, précisément, celle du surgissement à l’existence manifeste, dans l’absolue réflexion par laquelle l’absolu se détermine souverainement à être et se donne un être déterminé[25]». Face à une telle affirmation, j’avoue être circonspect. L’existence de Dieu serait une détermination, une décision de se donner l’être, une décision d’exister. À moins de concevoir, comme Schelling ou Eckhart, la différence entre la déité insondable et la personnalité divine que celle-ci pose, nous ne comprenons pas en quoi une telle affirmation de l’auto-position de Dieu par soi est une preuve de l’existence de Dieu. Pour se poser, se déterminer, se donner un être déterminé, bref pour agir, il faut être, de sorte que l’existence de Dieu est ici présupposée à l’acte de « surgissement à l’existence manifeste ». Celle-ci pourrait désigner, à bon droit, la révélation, la manifestation de Dieu, auquel cas il est très exact que Dieu est libre de se poser dans l’être mondain, de se manifester au monde en se donnant un être déterminé. C’est même l’acquis à notre sens majeur de Bruaire que de poser que si l’absolu existe, il peut se révéler, c’est son droit, sa possibilité irrécusable – mais encore faut-il qu’il soit, ce que la « preuve ontologique » bruairienne ne prouve pas. Nous ne voyons pas en quoi une telle « preuve ontologique », qui déduit du concept de la liberté absolue le « surgissement à l’existence manifeste », est autre chose qu’une mythologique théogonie. L’« existence » est d’ailleurs définie par Bruaire « au sens précis que Hegel donne à cette catégorie dans sa Logique : unité de l’intérieur et de l’extérieur, du caché et du manifeste, dans la réussite de l’acte de Réflexion.[26]» Il est possible de définir ainsi l’existence, mais alors cela a peu à voir avec la question métaphysique de l’existence de Dieu. Pour tout dire, la philosophie bruairienne nous semble extrêmement féconde lorsqu’elle considère le concept de l’absolu, qui inclut la possibilité de se révéler, de sortir de lui-même et d’entrer dans le fini, bref, lorsqu’elle en reste à la possibilité ; néanmoins, le passage de la possibilité à l’effectivité, du concept de l’absolu à son existence, que la preuve est censée accomplir, ne nous semble pas accompli.

Plus généralement, il faudrait s’interroger sur le sens du concept chez Bruaire. Lorsque celui-ci écrit : « s’il est une présupposition obligée de la pensée philosophique, c’est la nécessaire destination du concept à l’être par intimité originaire de l’un à l’autre[27]», il manifeste plutôt que lui-même présuppose le concept hégélien de concept. « D’une telle « intimité originaire », la preuve ontologique constitue chez Bruaire la clé de voûte » (p.155), commente le P. Rabourdin. Mais n’y a-t-il pas là un cercle logique ? L’unité, l’intimité de l’être et du concept est garantie par la preuve ontologique, qui se fonde elle-même sur cette intimité. La preuve ontologique, même en sa tentative bruairienne de renouvellement, ne résiste pas aux critiques que lui firent saint Thomas d’Aquin et Kant, lequel les appuie sur la critique de cette identité entre le concept et l’être, entre l’essence et l’existence.

3/ Notre troisième remarque aura trait, d’une autre manière, à l’hégélianisme sous-jacent de Bruaire. Elle concerne la question de l’analogie. Ce qui nous frappe dans notre lecture d’Une puissance d’affirmation, c’est qu’elle est toute entière dominée par cette question, sans pourtant jamais l’expliciter. La chose est partout, le mot nulle part. Parmi de nombreuses formulations du même problème, relevons celle-ci : « comment « liberté » peut-elle convenir et à l’absolu et à cette puissance relative dont nous faisons l’expérience ? […] Comment la liberté peut-elle être à la fois absolue et relative ? » (p.298). Nous avons essayé de le montrer plus haut, la liberté est bien l’enjeu de cet essai, la liberté en tant qu’elle est attribuée premièrement à Dieu, mais en tant aussi qu’elle convient à l’homme. Nous avons vu la critique que Bruaire adresse aux conceptions univocistes de la liberté[28], ainsi que celle qu’il réserve à la « théologie négative », qui sépare tant l’absolu de nous, que la liberté qu’on lui attribue est absolument équivoque, sans rapport avec la nôtre. Tout l’enjeu est de se tenir sur une ligne de crête qui pense les deux types de liberté, l’attribution analogique de la liberté aux deux sujets, aux deux esprits, Dieu et l’homme. « Le concept de liberté promu par Bruaire porte une logique qui est de ressemblance et de dissemblance » (p.27), c’est-à-dire très exactement d’analogie. L’étude du P. Rabourdin vit de cette oscillation entre la liberté absolue et la liberté humaine, qui atteint un point critique au début de la seconde partie, alors qu’il faut s’interroger sur la « difficile liberté de l’homme », si différente, si éloignée, si pauvre par rapport à l’absolue liberté de Dieu. On pourrait dire que l’effort du P. Rabourdin, à la suite de Bruaire, réside entièrement dans cette quête de la juste formule de la liberté humaine : « la liberté est la présence menacée mais irrécusable d’un pouvoir inconditionné, absolu, au sein du relatif[29]» ; « L’homme n’est pas absolument absolu, il est absolu dans sa finitude[30]» ; ou encore, selon des termes empruntés à Schelling, « absoluité dérivée » (p.370). Ce qui n’est pas Dieu est son image, c’est pourquoi la liberté de l’homme peut être dite exactement image de Dieu, ce que le P. Rabourdin a très bien noté : « privilège insigne, pour la liberté, de recueillir ainsi et d’appuyer la ressemblance entre l’homme et Dieu, d’en désigner le lieu – nous sommes libres comme Dieu l’est, Dieu est libre comme nous le sommes. Chez Bruaire, la liberté est un nom de Dieu et un nom de l’homme, elle montre l’homme à l’image de Dieu » (p.279). Ce que nous ne comprenons pas, c’est pourquoi cette ressemblance, cette image – notion biblique – n’est pas également appelée par son concept philosophique (thomiste) propre : analogie. Peut-être Bruaire concède-t-il trop à la critique feuerbachienne de l’analogie[31] ; mais la critique qu’il fait de Feuerbach permettrait de reconsidérer et de revaloriser l’analogie… Étrange pensée qui tait le nom exact ce qu’elle fait partout. On pourrait aussi arguer que le P. Rabourdin n’a pas voulu immédiatement plaquer un concept extérieur sur l’entreprise bruairienne, mais faire droit et laisser s’affirmer la fragile et difficile logique de la liberté de l’homme[32]. Il est juste et bon, en effet, de parcourir deux fois le chemin de la liberté, de faire deux fois la navigation, selon les deux figures de la liberté – absolue et relative –, de les exhumer en leur logique propre, loin de tout schème univociste – avant de résoudre la question de leur rapport. Mais, précisément, lorsque l’heure est venue de penser leur rapport, pourquoi ne pas convoquer le thème de l’analogie ?[33]

Plus généralement, nous nous demandons si Bruaire n’a pas été à l’étroit et prisonnier du cadre hégélien dans lequel il a commencé à penser. Certes, il est « dans le sillage de Hegel », non son disciple pur et simple, mais son interprète critique, et il s’explique avec lui, quitte à le critiquer[34]. Mais sa pensée baigne dans le langage et les questions que Hegel souleva magistralement – et critiquer Hegel, n’est-ce pas encore en dépendre ? Albert Chapelle remarque bien que son chemin est « de Hegel à la métaphysique », et, en effet, L’Être et l’esprit ne va pas sans renouer avec une interrogation sur l’être, qui manquait aux premiers essais. Au fond, penser l’analogie de la liberté, comme Bruaire a voulu le faire, suivi par David Rabourdin, se peut-il faire en partant de Hegel, dont on a vu le péril que représentait son univocisme ? De sucroît, penser le rapport entre Dieu et l’homme, ainsi que le monde, se peut-il faire hors d’une métaphysique de l’être ? L’abord bruairien de ce rapport est très nettement à partir de la liberté, donc de la subjectivité, conformément au point de départ moderne (cartésien) de la philosophie. On ne peut guère reprocher à Bruaire de n’avoir pas fait ce qu’il n’a pas voulu faire, mais cette voie anthropologique ne devrait-elle pas être au moins complétée par une voie ontologique ? L’analogie de la liberté peut-elle se soutenir hors de l’analogie de l’être ? Toutes ces questions n’enlèvent rien à la grandeur de la pensée de Bruaire et à la pertinence de sa restitution par le P. David Rabourdin, elles visent simplement à dégager des perspectives, sinon meilleures, du moins complémentaires.

***

[1]    D. Galimberti, L’Esprit, que voici. Claude Bruaire, de l’apologétique à l’ontodologie, Les Plans-sur-Bex, Parole et silence, 2020 ; Actualité de Claude Bruaire, éd. A. Bellantone, P. Capelle-Dumont, E. Tourpe, Paris, Cerf, 2022. Voir aussi B. de Marsac, Les héritages hégéliens dans la philosophie de Claude Bruaire : la métaphysique de l’absolu, Mémoire de M2, Sorbonne-Université, 2021.

[2]    L’Affirmation de Dieu. Essai sur la logique de l’existence humaine, Paris, Seuil, 1964 (désormais AD) ; Le Droit de Dieu, Paris, Aubier-Montaigne, 1974 (désormais DD) ; L’Être et l’esprit, Paris, PUF, coll. Epiméthée, 1983 (désormais EE). Outre ces trois œuvres, on trouve quelques œuvres mineures (Philosophie du corps, Paris, Seuil, 1968 ; La Raison politique, Paris, Fayard, 1974 ; Une éthique pour la médecine, Paris, Fayard, 1978 ; La Dialectique, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 1985), deux études sur Schelling et Hegel (Logique et religion chrétienne dans la philosophie de Hegel, Paris, Seuil, 1964 ; Schelling, ou la quête du secret de l’être, Paris, Seghers, 1970), un recueil d’articles (Pour la métaphysique, Paris, Fayard, 1980) et un livre d’entretien (La Force de l’esprit. Entretiens avec Emmanuel Hirsch, Paris, DDB-France Culture, 1986).

[3]    Heidegger, Schelling. Le traité de 1809 sur l’essence de la liberté humaine, Paris, Gallimard, 1993, p.26.

[4]    DD, p.66.

[5]    DD, p.21

[6]    EE, 99

[7]    « Il est clair qu’une transcendance réelle et significative ne peut être qu’une relation. […] La transcendance de Dieu est un acte de Dieu à l’égard de l’homme et de tout être créé, fini. Elle est, intégralement, de part en part, et quel que soit l’état du rapport institué, un acte de l’être absolu et absolument libre ». (AD 223-224, qui se réfère à J. Wahl, « Sur l’idée de transcendance » in Existence humaine et transcendance, Neuchâtel, Editions de la Baconnière, 1944).

[8]    « Négation et dépassement de l’humanisme », in Homo homini homo, éd. Wilhem Raimund Beyer, München, Beck, 1966, p.269

[9]    « La philosophie du droit et le problème de la morale », in Hegels Philosophie des Rechts, éd. Dieter Henrich et Rolf-Peter Horstmann, Stuggart, Klett-Cotta, 1982, p.98

[10]  EE, 178

[11]  « Le problème éthique de la culture », Axes, février 1970, p.17

[12]  AD, 184

[13]  AD, 9

[14]  Les parallèles entre Bruaire et Blondel sont nombreux. Le P. Rabourdin cite onze fois Blondel pour expliquer la philosophie de Bruaire. Il remarque en particulier la ressemblance de leurs questions inaugurales : « Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens, et l’homme a-t-il une destinée ? » (Maurice Blondel, L’Action [1893], Paris, PUF, 1993, p. VII) ; « oui ou non, l’affirmation de Dieu, à supposer qu’elle soit possible et qu’elle s’impose, apporte-t-elle un sens à notre vie ? » (AD, 9).

[15]  AD, 168

[16]  EE, 309

[17]  EE, 70

[18]  EE, 70

[19]  EE, 90

[20]  EE, 107

[21]  EE, 90

[22]  DD, 25

[23]  « Liberté du philosophe et révélation », in L’herméneutique de la liberté religieuse, éd. Enrico Castelli, Paris, Aubier, 1968, p.288 (repris in Pour la métaphysique, op.cit., p.133)

[24]  Logique et religion chrétienne dans la philosophie de Hegel, op.cit., p.77

[25]  « La Dialectique et l’esprit absolu », in Hegel-Jahrbuch 1974, éd. Wilhem Raimund Beyer, Köln, Pahl-Rugstein Verlag, 1975, p.56

[26]  « La dialectique et l’esprit absolu », art.cit., p.55

[27]  EE, 21

[28]  Bruaire nomme littéralement cette absence de l’analogie chez Hegel : « Hegel ne constitue nulle part une logique de l’existence humaine. Il applique, transcrit, au monde fini, la logique absolue dont ce monde est incapable. Aucune analogie, aucune différence qui réserverait une similitude entre Dieu et l’homme. C’est univoquement que l’Unique négativité, dans la structure nécessaire de son acte, est comprise et conçue, comme exclusive loi spirituelle. » (EE, 178).

[29]  AD, 184

[30]  « Qu’est-ce qu’affirmer Dieu ? », Résurrection, n°36, 1971, p.126

[31]  Voir p.179 sq.

[32]  Ce point est bien affirmé par David Rabourdin : « Le chemin philosophique de Bruaire peut être qualifié de recherche concernant l’essence de la liberté humaine à partir de l’expérience vive de sa difficulté » ; « La thèse est forte, structurant l’ensemble du projet bruairien  ; la philosophie de la liberté naît de l’expérience de sa difficulté, et de la réflexion sur sa promotion, sur sa garantie, sur sa sauvegarde » (David Rabourdin, « Affirmation de l’absolu et expérience de la liberté, Transversalités, 2022/3, n° 162, p.89 et 96).

[33]  D’autant que dans un article sur Bruaire, le P. David Rabourdin affirmait : « Bruaire ne thématise pas comme tel le motif de l’analogie, mais, pour exposer la manière dont il attribue à Dieu la liberté, il nous semble légitime de le convoquer pour deux raisons au moins […] l’impératif de nommer Dieu et l’expérience créaturelle de la liberté » (« Affirmation de l’absolu et expérience de la liberté », art. cit., p.86-87). Pourquoi avoir finalement renoncé à convoquer ce motif de l’analogie ?

[34]  « Hegel est ici le point de départ. Hegel n’a jamais été la source de la pensée bruairienne. Mais celle-ci s’est d’abord manifestée dans une explication publique avec la logique spéculative et son système », A. Chapelle, « L’itinéraire philosophique de Claude Bruaire : de Hegel à la métaphysique », Revue Philosophique de la France et de l’Etranger, vol. 180, n°1, 1990, p.5 ; « Comme il l’avait été pour Fessard, Hegel fut pour Bruaire un point de départ jamais renié. […] Bruaire ne s’assignait pas pour but de ressusciter le Dieu de Hegel, mais d’affirmer Dieu après Hegel, et le cas échéant contre Hegel. », J.-Y. Lacoste, « Préface » à D. Galimberti, L’Esprit, que voici. Claude Bruaire, de l’apologétique à l’ontodologie, op.cit., p.16.

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