L’irruption de la notion de « post-vérité » a suscité d’innombrables commentaires médiatiques, mais peu de réflexions de fond. Or cette notion brouille la distinction essentielle du vrai et du faux, portant atteinte à notre capacité à vivre ensemble dans un monde commun. L’auteure montre que le problème majeur de la politique n’est pas celui de sa conformité à la vérité mais qu’il est lié à l’exercice du jugement, notamment dans la sphère publique. L’analyse du « régime de vérité » de la politique éclaire ce qui distingue les systèmes démocratiques, exposés en permanence à la dissolution des repères de la certitude, à la tentation du relativisme et du règne de l’opinion, des systèmes totalitaires, où la toute-puissance de l’idéologie fabrique un monde entièrement fictif. Loin d’enrichir le monde, la « post-vérité » appauvrit l’imaginaire social et altère les jugements et les expériences sensibles que nous pouvons partager.
Myriam Revault d’Allonnes
Philosophe. Elle a publié de nombreux essais au Seuil et notamment La Crise sans fin. Essai sur l’expérience moderne du temps (2012).