Michel Onfray : Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne.

Le nom de Freud, dont l’œuvre est entrée en 2010 dans le domaine public, est plus que jamais sur toutes les lèvres, et nombre d’articles de presse ont été consacrés, en ce début d’année, à de nouvelles traductions en français (trois en six mois rien que pour le Malaise dans la culture). Espérant surfer sur cette vague puissante pour ravir à son profit, grâce aux média télévisuels, l’attention du grand public, Michel Onfray a écrit, d’une seule traite et en fort peu de temps, un ouvrage de 600 pages1, dont la visée est une sorte de vulgarisation antipsychanalytique. Le crépuscule d’une idole2 tente en effet de populariser les thèses du récent Livre noir de la psychanalyse, discuté âprement dès sa sortie en 2005 par les psychanalystes, mais passé inaperçu du grand public, et dont peu de philosophes avaient pris la mesure délétère.

Las ! la vulgarisation, que ce soit en science, en philosophie ou en psychanalyse, est une tâche noble et ardue dont seuls sont capables les plus grands créateurs, ceux qui peuvent parler simplement des concepts parce qu’ils les ont inventés ou rénovés, en tout cas les dominent de leur expérience. N’amenant aucune idée nouvelle, aucun fait inédit, ne faisant que copier des ouvrages de seconde main, sélectionnés d’avance pour leur parti-pris — tout ouvrage contradictoire étant dûment censuré de la bibliographie fantaisiste qui clôt le pavé —, le livre de M. Onfray reste seulement trivial de bout en bout, et le lecteur qui y chercherait l’ombre d’une critique fondée restera sur sa faim.

Comment, d’ailleurs, un professeur de philosophie qui confesse dans sa préface, au milieu de confidences personnelles hors sujet, avoir seriné pendant vingt ans à ses élèves de terminale des « cartes postales » que lui-même avait apprises sans réfléchir, serait-il crédible lorsqu’il se prend pour un Philosophe qui va maintenant écrire les « contre cartes postales » qui correspondent en miroir aux précédentes ? Ânonner pendant si longtemps sans jamais réfléchir à ce que l’on enseigne n’est pas, en effet, l’idée que l’on se fait d’un esprit critique ni philosophique. De plus, l’idée de réduire la psychanalyse à des « contre cartes postales » implique évidemment qu’on reste dans la même veine que celle des cartes postales précédemment dénigrées : le livre avoue ainsi n’être qu’un ramassis de clichés.

Et en effet, même s’il est évidemment impossible de réfuter ici une à une toutes les bourdes dont la masse excède largement le nombre de pages3, j’essaierai de démonter quelques erreurs grossières de lecture et de raisonnement, puis de montrer des échantillons du style de l’auteur, avant de dire sur quoi repose, à mon avis, le souffle de cet écrit (mal) inspiré.

A : (ne pas) Lire Freud

On reste pantois devant la façon dont M. Onfray a lu Freud (tout Freud en quelques mois, d’après ses dires). Passons sur le fait qu’il reconnaît n’avoir consulté qu’une seule traduction française pour ne pas s’embrouiller dans les différentes versions, et jamais ni l’allemand original ni même les traductions anglaise ou espagnoles.

Prenons, quasiment au hasard, l’exemple de l’homosexualité. M. Onfray concède que Freud, qui a signé une pétition en faveur des homosexuels n’est pas un « homophobe politique ». Il serait en revanche un « homophobe ontologique » : « l’homophobie ontologique la considère [l’homosexualité] au regard d’une norme en face de laquelle elle apparaît comme anormale ou perverse – pour utiliser le mot de Freud (p. 514). » Bien sûr, aucune référence ne vient à l’appui du « mot de Freud ». Mais quelques lignes plus bas, dans une citation de Freud par M. Onfray, on lit : « les pervers et les homosexuels ». Ce petit « et » ne signifie-t-il pas à lui tout seul que Freud, justement, établissait une distinction ? Mais M. Onfray évite soigneusement toute confrontation précise aux textes de Freud sur la question — stratégie d’ailleurs systématique. Il saute ainsi des Trois essais (1905), où la perversion polymorphe inclut même le baiser sur la bouche, à l’Abrégé, texte schématique et inachevé de1939, soit 34 ans d’élaboration sur le thème, et omet entre autres « Psychogénèse d’un cas d’homosexualité féminine »4 (1920), évidemment essentiel, où Freud affirme par exemple que « la psychanalyse n’est pas appelée à résoudre le problème de l’homosexualité. Elle doit se contenter de dévoiler les mécanismes psychiques qui ont conduit à la décision dans le choix d’objet, et de suivre les voies qui conduisent de ces mécanismes aux montages pulsionnels », ou « Quant à l’essence de ce que, au sens conventionnel ou au sens biologique, on nomme ‘masculin’ et ‘féminin’, la psychanalyse ne peut l’élucider ». Une lecture attentive de Freud montre au reste que Freud ne parle pas de Verleugnung (démenti) à propos de l’homosexualité mâle, ce qui l’oppose au fétichisme et à la perversion5.

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Soit encore la question de la « guérison », brandie sans cesse par M. Onfray sans que, jamais, notre philosophe ne s’interroge sur le sens de ce terme en psychanalyse, ni même en médecine. Même en ce domaine, en effet, on ne peut pas définir la guérison par un retour à l’état antérieur. Dira-t-on qu’une femme à laquelle on a enlevé un sein à cause d’un cancer qui ne récidive pas est guérie ? Peut-être, mais elle n’est pas comme avant, même avec une prothèse. On voit la complexité de la question lorsqu’il s’agit de symptômes psychiques : l’idée de guérison signifie-t-elle que le symptôme — une idée obsédante par exemple —, a disparu, ou que le sujet n’en souffre plus (parfois on ne s’aperçoit pas si facilement qu’on a une obsession) ou encore que l’idée a été remplacée, le long d’une connexion inconsciente, par un autre symptôme, une douleur corporelle, un cérémonial ou une hallucination ? Ces questions sont justement l’un des enjeux de désaccord sur les fameuses évaluations que défend ouvertement, on l’a vu, M. Onfray. Pour lui, il existe « la guérison », conformément à l’idéologie du bien-être qu’il sert comme si elle allait de soi. D’où une stratégie de commentaire en double bind. Lorsque Freud — ce qui lui arrive fréquemment — fait part de ses doutes cliniques ou reconnaît un échec thérapeutique — lequel est plus facile à définir que la guérison —, M. Onfray le nie (par exemple dans Les cinq Psychanalyses, Freud reconnaît son échec avec Dora, comme, plus tard, son incapacité à poursuivre avec « La jeune homosexuelle »6). Passons sur le Président Schreber : M. Onfray reproche comiquement à Freud de ne pas l’avoir rencontré7 ! Ou bien M. Onfray se moque de Freud et le charge lorsque celui-ci parle de ses échecs, dans ses correspondances avec Fliess ou avec Binswanger (p. 415). Ou bien encore, Freud, dit-il, avoue ses fautes par hypocrisie. En revanche, dès qu’apparaît le mot « guérison » sous la plume de Freud, notamment à propos d’Anna O. qui était, rappelons-le, la patiente de Breuer qui a inventé la talking cure soit la psychanalyse. Certes, il paraît douteux qu’Anna O. ait été « guérie » de son hystérie au sens de la suppression définitive de tout symptôme par ses quelques séances avec Breuer, qui refusait d’ailleurs de reconnaître l’étiologie sexuelle de l’hystérie. Une « guérison » dans ces conditions relèverait du miracle. M. Onfray reproche donc à Freud, qui ne la traitait pas, de ne pas l’avoir « guérie », tout en disant qu’elle n’était pas seulement hystérique mais morphinomane, ce qui n’est pas du même ordre que l’hystérie en ce qui concerne la talking cure8 (p. 184-185). Freud reconnaît d’ailleurs ultérieurement qu’elle a dû passer de longs mois en sanatorium après la cure avec Breuer. Mais, même s’il ne s’agissait dans cette « guérison » que d’une efficacité réduite dans le temps, même si le cas Anna O. avait été un ratage complet (ce qu’on ne pourrait d’ailleurs dire qu’après coup, et, encore une fois, d’après quels critères ?), en quoi cela invaliderait-il la découverte de la talking cure comme précurseur de la psychanalyse ? On peut très bien découvrir l’efficacité d’une méthode thérapeutique sans que celle-ci soit intégralement vérifiable sur la personne qui en a donné l’idée. Mais ces illogismes, qu’on a déjà lu chez d’autres (M. Onfray n’invente rien, on l’a déjà dit, mais s’appuie sur « les historiens »), sont typiques des accusateurs de la psychanalyse. Ils utilisent en effet un faux bon sens dans leurs sophismes pour convaincre un public qui est censé raisonner sur le mode médical naïf de la prise d’aspirine qui fait tomber la fièvre. Autre raisonnement captieux qui permet à M. Onfray d’affirmer que les cas de Freud sont fictifs : l’histoire des 18 cas d’hystérie dont Freud parle à Fliess serait un mensonge parce que Freud affirme, deux mois plus tard, n’avoir pas de nouveau cas. (p. 282). Mais où est donc la contradiction ? Enfin, M. Onfray n’affirme-t-il pas, par ailleurs, que l’hystérie n’existe pas ou plus ? (p. 265). Mais alors de quoi parle-t-il au juste ?

B : Épistémologie

On pourrait citer des dizaines d’affirmations gratuites de ce genre. Sur le plan de l’épistémologie de la psychanalyse, même pauvreté intellectuelle. La psychanalyse n’est pas une science, « découvre » Onfray, après tant d’autres dont Lacan (qui ajoutait cependant que la science devait en tenir compte9). Certes, Freud était scientiste et empruntait ses modèles métapsychologiques à la thermodynamique et à la neurologie de son temps, mais il savait bien que ce n’en était pas : ce que montre précisément son affirmation répétée selon laquelle la science montrera un jour tout ce que la psychanalyse ne sait pas encore. Il affirme d’autre part la spécificité des concepts psychanalytiques, ainsi dans « Pulsions et destins des pulsions ». Ces concepts ne peuvent être définis une fois pour toutes parce qu’ils doivent être remaniés au fur et à mesure des découvertes de l’expérience psychanalytique. Cela montre que la psychanalyse, pour ne pas être une science, n’en est pas pour autant une philosophie spéculative, puisqu’elle est tributaire d’une expérience contraignante qui implique de la modifier constamment. Mais du reste, qu’est-ce qu’une science pour M. Onfray qui prétend qu’il ne peut exister de postulat en science ? Et le postulat d’Euclide ? Les mathématiques ne sont-elles pas une science pour M. Onfray (p. 297)? Je laisse par ailleurs les philosophes lui expliquer en quoi l’inventeur de la pulsion de mort, que personne ne voulait suivre sur ce point sauf Melanie Klein, n’est pas un philosophe vitaliste — ce qu’il affirme de façon ahurissante à de multiples reprises. N’est-ce pas tout simplement parce qu’il lui faut faire de Freud un imposteur qui a « pompé » Nietzsche et Schopenhauer et qui n’a rien inventé : le mot inconscient n’existait-il pas déjà chez Hartmann ? Oui, de même, le mot psychè existait chez les Grecs, cela ne signifie pas qu’il n’ait pas changé de sens ni de signification depuis lors, en tant qu’objet ou concept.

C : La lettre manquante

D’autres fantasmes hantent ce livre, comme celui de la lettre manquante. Il s’agit du fantasme de la suppression par Freud ou ses héritiers de la lettre qui dirait la vérité entière, par exemple sur sa liaison avec sa belle-sœur. La lettre serait cachée dans un container scellé à Washington…(p. 163). Inutile de dire qu’on se demande pourquoi un homme infidèle, ayant de surcroît une liaison avec sa belle-sœur, d’une part en aurait autant écrit à sa propre femme (pour la narguer perversement, imagine M. Onfray), d’autre part aurait écrit un jour des lettres d’aveu compromettantes sans ensuite les supprimer lui-même. Tout cela semble vraiment tiré par les cheveux, à partir de rumeurs gonflées qui, comme l’a montré du reste É. Roudinesco, ne changeraient pas la face du monde si elles s’avéraient exactes. Minna n’était pas Cléopâtre.

Il est peu de correspondances aussi volumineuses que celles de Freud avec ses contemporains. Notons qu’à l’inverse de quelqu’un comme Gide qui préparait tous ses « petits papiers » pour la postérité, Freud écrivait surtout des correspondances privées (sauf avec Einstein). À l’instar d’autres écrivains (Kafka, Nabokov, etc.), il est tout à fait compréhensible qu’il ait voulu en supprimer certaines, comme ses lettres à Fliess, qui sont intimes, et témoignent d’une passion transférentielle parfois impressionnante. On sait à quels débordements conduit le transfert (eine echte Liebe — un vrai amour, dont il emprunte la folie), surtout ici avec quelqu’un de non analysé et dont les croyances étaient bien étranges. Freud, subjugué, essaie de suivre son aîné dans ses délires sur le nez et les organes génitaux, qu’il reniera évidemment une fois retombée la vague passionnelle. Cela impressionnera celui ou celle qui n’a jamais fait une analyse, où surgissent souvent des fantasmes échevelés (que les incrédules relisent « L’homme aux rats » qui croyait que Freud voulait lui faire épouser sa fille). Mais pour M. Onfray, si normatif que la « psychonévrose grave » de Freud lui fait horreur, à lui, l’homme qui revendique sa « normalité » (p. 564-567), il s’agit d’une glossolalie et d’un délire complet. La Traumdeutung, où Freud décrit les mécanismes du rêve à partir des siens et invente une nouvelle pensée, celle de l’inconscient et de ses processus primaires, ne peut pas fonder une nouvelle discipline. En effet, se moque M. Onfray : « Le conquistador part à la conquête d’un territoire inconnu, certes, mais la destination ne semble pas bien lointaine, à savoir : la part sombre qui le hante. » (p. 99). Mais oui, Onfray brûle, c’est bien en investissant la part sombre qui le hante comme un nouveau domaine de recherche que Freud invente quelque chose de révolutionnaire. Il sort de la lignée philosophique antérieure, au grand scandale de M. Onfray qui révèle ici son grand conformisme : « Sur quoi débouche cette sophistique qui écarte la pensée rationnelle telle qu’elle se pratique depuis qu’elle constitue l’honneur de la philosophie ? […] Sur de pitoyables conclusions. » (p. 383). « Pitoyables » en effet, juste un séisme, une nouvelle raison, « la raison depuis Freud », comme la nomme Lacan. La raison ne sera plus jamais la même après L’interprétation des rêves. Ce thème de l’ordre des raisons, du bon sens commun, de la vieille intelligence rassurante, insiste tout au long de l’ouvrage : pour un M. Onfray philosophiquement désorienté, le freudisme est « une illusion indémontrable construite sur des invraisemblances en contradiction avec les conclusions obtenues par le simple usage d’une intelligence conduite selon l’ordre des raisons. » (p. 574). S’il était sensible à l’humour, on aurait envie de lui répondre avec Adorno (qui ne figure évidemment pas dans sa bibliographie) : « De la psychanalyse, rien n’est vrai que ses exagérations. »10

D : Le corps de mon père

Mais on en arrive ainsi à ce qui est insupportable à M. Onfray, à ce qui est l’armature de ce livre qui, par l’intuition et la conviction de son auteur, appartient davantage au genre des « écrits inspirés » que des ouvrages argumentés. Le point d’horreur est précisément que La Traumdeutung soit la réponse de Freud à la mort de son père. Le meurtre du père est pris à la lettre par l’auteur du Corps de mon père11, un manuel scolaire et « pédagogique », un livre modèle destiné aux collégiens, dans lequel ils apprendront à écrire. Ils y liront avec quelle vénération M. Onfray adorait son père quand il le suivait aux champs, quand il l’épiait, nu, quand son corps était « traversé par l’influx de [s]on père », quand il lui tenait le bassin, quand il entendait son puissant jet d’urine à la cave. À côté de ce réalisme de mauvais film, Freud, avec ses trois mythes du meurtre du père, comme les nommait Lacan12, fait figure de parricide dans le réel, comme si la structure symbolique de ces mythes était inaccessible à M. Onfray. Fils impie, Freud, dont « la vie a été consacrée à détruire ou déconsidérer le père » (p. 111), « attendait ardemment la mort de son père » — M. Onfray en voit la trace omniprésente dans les lettres à Fliess. M. Onfray note l’« incroyable ardeur du juif Freud à tuer Moïse, le père des juifs selon la tradition » (p. 150). Oui, répète-t-il jusqu’à l’écœurement (du lecteur), Freud était « un juif antisémite » (p. 228). Le complexe d’Œdipe ? Il « renvoie à son aventure personnelle, autobiographique donc, entre sa mère juive et son père juif […] » (sic, p. 219).

Il me semble que le point de bascule dans la calomnie la plus abjecte repose sur ce point précis : le refus irréversible par M. Onfray de considérer le meurtre du père comme un mythe, et le père mort comme une instance symbolique. Ce rejet de l’inconscient donne une clef de lecture de l’ouvrage, qui se termine sur l’évocation du mépris de la psychanalyse (p. 576). C’est comme si M. Onfray était resté chargé d’un cadavre paternel en putréfaction qui empuantissait son livre entre les lignes. L’abjection réside dans le style grandiloquent qui heurte le lecteur à chaque page : il n’y est question que de « souillure », de « chair » souffrante, d’ « engeance », de « forfaiture », de « faussaire », de « boutiquier », etc. Elle est aussi morale et politique : Freud voulait faire payer les pauvres (et l’Institut de Berlin qui faisait des psychanalyses gratuites à sa demande expresse ?) ; Freud adorait Dollfuss (sur la foi de la servante de la famille, Paula, qui rapporte une parole qu’elle aurait entendue de Martin Freud) (p. 522) ; Freud aurait négocié avec les nazis (pourquoi M. Onfray ne cite-t-il qu’un passage confus de l’introduction d’une première édition, révisée dix ans après, du livre de Cocks13, pour faire croire que la psychanalyse, persécutée d’après lui seulement parce qu’elle était juive, a survécu dans la continuité voire prospéré sous le nazisme ?).

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Regards croisés

  1. Les pages du livre sont citées entre parenthèses dans le texte. J’ai parfois souligné des morceaux de phrases en italiques.
  2. Michel Onfray, Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne, Grasset, Paris, 2010
  3. De nombreuses objections sérieuses ont été opposées à l’ouvrage. Élisabeth Roudinesco a montré, avec ses collègues universitaires, à quel genre d’« historiens » se réfère M. Onfray ; elle a dénoncé nombre d’erreurs du livre comme l’avortement de Mina à 58 ans, les erreurs de date et les ignorances dans la bibliographie. Elle a montré ce qui sous-tend la haine de l’auteur pour la psychanalyse. É. Roudinesco, Mais pourquoi tant de haine ?, Paris, Le Seuil, 2010. Beaucoup de philosophes et de psychanalystes ont répondu dans la presse, notamment René Major, Alain Badiou, Bernard-Henri Levy et bien d’autres. On trouvera la plupart des articles recensés sur le site d’Emmanuel Fleury : http://efleury.fr/OnfraymarteleFreud/category/au-jour-le-jour/
  4. S. Freud, « Sur la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine », Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 1985, p. 270.
  5. G. Morel, La loi de la mère. Essai sur le sinthome sexuel, Paris, Anthropos-Economica, 2008, p. 258.
  6. Idem, p. 263.
  7. Là on se frotte les yeux. Onfray sait-il de quoi il parle à propos de Schreber, soit d’un commentaire de l’autobiographie de celui-ci, Les Mémoires d’un névropathe, par Freud ? « Or la légitimité scientifique de Freud n’a jamais dépassé les bornes du performatif qui le caractérise. Puisque la construction éditoriale des Cinq Psychanalyses montre fort opportunément un succès sur le terrain de l’hystérie, un autre sur celui de la phobie, un suivant sur la névrose obsessionnelle, un antépénultième sur la paranoïa (je souligne, M. Onfray devrait se faire relire avant de publier : Freud n’a jamais traité Schreber) et un dernier sur la névrose infantile, la preuve existe : Freud excelle dans tout le spectre de la psychopathologie de son temps. » (p. 414).
  8. M. Onfray va jusqu’à élucubrer, sans la moindre preuve, que le prénom d’Anna Freud vient d’Anna O. À moins que ce ne soit celui d’une sœur de Freud. Et pourquoi pas Sainte Anne, la mère de la Vierge, puisque Freud a écrit sur le célèbre tableau de Léonard de Vinci et puisqu’on est dans les suppositions gratuites, cela aurait permis à M. Onfray de gonfler son ouvrage de quelques pages supplémentaires ? Notons, au sujet d’Anna Freud, cette précision amusante de l’auteur : elle n’est pas une « enfant de l’amour » puisqu’elle n’aurait pas été conçue si ses parents avaient disposé de contraceptifs ! (p. 181). On reste sans voix : ne pourrait-on pas penser exactement le contraire ? Il semble qu’à son âge, M. Onfray ignore encore tout de la conception : n’écrit-il pas aussi que Mina a avorté à 58 ans ?
  9. J. Lacan, « La science et la vérité », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 874-875.
  10. T. W. Adorno, Minima Moralia, Réflexions sur la vie mutilée, Paris, PBP, 1980, p. 63.
  11. M. Onfray, Le Corps de mon père. Autobiographie de ma mère, Paris, Hatier poche collège, 2009, p. 15, 16, 18.
  12. J. Lacan, L’acte psychanalytique (1967-1968), inédit, 21 février 1968.
  13. G. Cocks, La psychothérapie sous le IIIème Reich, Paris, les Belles Lettres, 1987. Le livre a été révisé dix ans après (mais pas sa traduction française) parce qu’il s’appuyait sur des interviews mensongères de Wilhem Kemper. Il a été critiqué dans Goggin et Goggin, Death of a « Jewish Science ». Psychoanalysis in the Third Reich, Purdue University Press, Indiana, 2001. On se souviendra aussi, avant de trouver Freud fasciste lorsque qu’il se tait, que la correspondance Freud-Binswanger est auto-censurée après les années 30 et que les deux psychanalystes doivent coder leurs lettres : « étranger » signifie « juif » ; « indifférent », « non juif ».
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